Pas de bavards à la Muette

pipe, m’assis sur le plumard et entrepris de gamberger.
Je sursautai, surpris par la sonnerie du téléphone.
— Allô.
— Allô ! Nestor Burma ?
Ma main se crispa sur le combiné. Le miracle ! Le
miracle qui s’annonçait !
— Oui.
— Ici, La… Lozère. Roger Lozère.
— J’avais reconnu ta voix.
— Ah ! bon. Peu importe. Je voulais vous dire… Vous
aviez deviné juste, l’autre soir. Je voulais vous parler de
cette môme. Elle est innocente. Elle n’a jamais tué
personne. Voilà comm…
Brusquement, son ton se transforma :
— … Oui, mon pote. J’espère que ce sont de bons
tuyaux, cette fois-ci, hein ? Eh bien, comme toujours,
alors. Demain, entre la deuxième et la troisième, au
Pavillon, près des guichets à cent balles. D’ac.
Il raccrocha. Je raccrochai à mon tour, très longtemps
après, me sembla-t-il. Je repris ma pipe et la tétai
consciencieusement. Roger Lasserre, alias Lozère. Faux
journaliste, mais cambrioleur et barbeau authentique. Un
fortiche, dans son genre, lui aussi. Pas trop salaud ou
salaud supérieur, on verrait ça par la suite. Un gars qui
venait me sonder, qui voulait me dire quelque chose à
propos de Suzanne, qui se dégonflait, me malmenait et
disparaissait. Un gars qui participait ensuite au meurtre
d’un juif nommé Rosembaum. Peut-être qu’après ce coup
il s’estimait suffisamment mouillé comme ça et partait à la
recherche de papier-buvard. S’il se décidait à fournir à ce