Pas de bavards à la Muette

en cas de décès ou aliénation quelconque de l’héritière.
Alors, vous mesurez l’avantage de la désagréable mais
nécessaire mise en scène qu’on prépare ? André hors du
coup. La fortune de Suzanne dans la poche.
— Et quelle a été cette mise en scène ?
— On drogue Suzanne. Je crois qu’on lui en a fait
contracter l’habitude, pour ruiner sa santé, toujours en
prévision du fameux héritage… Cette femme était une
criminelle de longue date, sans cela elle n’aurait pas en
quelques heures conçu et exécuté le plan que j’ai dit… On
drogue Suzanne. On l’habille de bric et de broc :
chemisier, jupe, ballerines et imper. On la colle dans une
bagnole et on l’amène ici. André, chargé de l’opération, a
dû se déguiser vaguement en chauffeur, coiffant une des
vieilles casquettes à visière de cuir. N’oubliez pas que
Suzanne disait, parfois : « Cet homme », parfois : « Le
chauffeur », comme s’il s’agissait de deux êtres différents.
Mme Ailot me téléphone, me raconte l’histoire Bénechamant
de Suzanne. Au préalable, on fourre dans la poche
du cadavre, clef de la porte de service et photo de
Suzanne en bikini. Mme Ailot se débrouille pour m’attirer
ici où m’attend un curieux spectacle. Je vais être presque
témoin, sinon oculaire, du moins auriculaire, du meurtre
de Bénech par Suzanne. Un flic privé comme témoin. Du
gâteau ! Suzanne sera inculpée. Sa tête n’est déjà pas très
solide. La drogue l’a rendue amnésique et encore plus
toquée.
Elle ne résistera pas à tout cela, d’autant qu’elle nourrit
un net sentiment de culpabilité depuis la mort de sa mère,
morte par elle. En tout cas, témoignage de Nestor Burma