Pas de bavards à la Muette

l’habitude. Je ne me fâche pas.
— J’ai déjà tué ma mère.
— Ah !…
Ça, c’était nouveau.
— … Quand ?
— J’ai déjà tué ma mère, répéta-t-elle, en guise de
réponse.
— Bien sûr. On tue d’abord sa mère, ensuite le
chauffeur de sa tante. Ne pensez plus à tout ça.
Un silence, qu’elle employa à je ne sais quoi, puis :
— Le chauffeur ! Le chauffeur ! hoqueta-t-elle.
— Ne vous occupez pas de lui.
Il était en train de refroidir, le chauffeur. Elle remit ça :
— Le chauffeur !… Il était avec moi.
— Il n’y est plus. Il n’y sera plus jamais.
— Le chauffeur !
Elle fixait son cadavre de ses yeux agrandis, mais
paraissait penser à autre chose. On ne pouvait pas rester
là, à jouer aux propos interrompus, jusqu’à ce qu’Yves
Bénech ressuscite. J’abandonnai la môme à ses remords,
ou ce qui en tenait lieu, et me tournai vers Mme Ailot.
Juste à temps pour qu’elle me fournisse un boulot
supplémentaire.
On ne chômait pas, avec elle, et elle en voulait pour son
fric. Elle m’embauchait pour récupérer ses bijoux.
Ensuite, elle m’entraînait dans une promenade nocturne
des plus affriolantes. Maintenant, j’allais devoir me
déguiser en infirmier. Ses jambes ne la portant plus, elle
s’était laissée tomber dans un des fauteuils houssés. Tout,
dans son attitude crispée, annonçait l’imminence d’une