Pas de bavards à la Muette

* *
Je m’éveillai un peu après quatre heures. L’heure du
goûter, pour les enfants sages. Je me sentais faim et soif.
Surtout soif. Par le téléphone, je demandai en bas si on
pouvait me monter un liquide quelconque. Joséphine
m’apporta une canette de bière. Sans salamalecs, sans un
mot, rien. Mais elle braqua sur moi des yeux aux
paupières rougies. Elle aussi semblait vouloir m’accabler
de reproches.
— Ce n’est pas moi qui l’ai tué, dis-je.
La blonde bonniche bougonna :
— Est-ce que je vous demande quelque chose ?
— Ouais. Vous vous dites que sans mon intervention…
Après tout, je m’en fous. Mais vous n’aviez pas
l’exclusivité, vous savez ? Il couchait avec sa patronne, et
avec la nièce de sa patronne, et avec je ne sais encore qui.
En plus, c’était un voleur.
Elle haussa les épaules.
— Je suis une idiote, bredouilla-t-elle. Qu’est-ce que je
devrais en avoir à foutre, de ceux qui ont couché avec
moi, des fois une seule nuit, comme ils auraient sifflé un
verre de flotte ? Mais c’est plus fort que moi…
— C’est que vous êtes une chic fille.
— Lui non plus n’était pas un mauvais cheval.
— Non. Il n’aurait pas fait de mal à un train de
marchandises.
Elle s’en alla. Pas un mauvais cheval, mais un fameux
étalon. Une femme dans chaque port. Eh ben, mon ’ieux !
Je bus ma bière, me débarbouillai et me rasai. Peu après,
Hélène s’annonça, porteuse des frusques demandées,