Pas de bavards à la Muette

M. Fitzauray, M. Ailot lui avait fait exécuter des répliques
des bijoux de ma cliente. Jamais. Victime d’un pogrom à
l’échelle individuelle, il était aussi mort que s’il sortait
d’un four crématoire.
Il était possible que ce soit la blessure qui lui
meurtrissait la tempe – et que les cheveux poisseux de
sang m’avaient jusque-là cachée – qui eût entraîné la
mort, mais il devait y avoir autre chose. Les taches de
sang qui maculaient le parquet de loin en loin provenaient
vraisemblablement d’une plaie plus importante.
Je suivis la piste sanglante et elle me conduisit dans
une pièce où régnait un certain désordre. Tapis déplacé,
siège renversé, divers objets dégringolés d’une tablebureau.
Le téléphone était décroché, le combiné pendant
au bout de son fil. Je laissai pendre. Un coffre était ouvert,
laissant voir dans un compartiment quelques livres de
comptes à couverture de toile noire. Deux bouquins
semblables, dont un assez déglingué, reposaient sur le
burlingue, à côté d’un coupe-papier à manche d’or,
véritable poignard dont la lame large, longue et pointue,
était tachée de sang. Le manche était très, très propre.
D’une propreté étonnante, après l’usage qu’on avait fait
de l’instrument. Mon avis était qu’on ne trouverait pas
beaucoup d’empreintes, là-dessus. Là-dessus, ni nulle
part ailleurs dans l’appartement. Il ne s’agissait pas d’y
laisser les miennes. Je regardais les registres reliés de
noir, austères et rébarbatifs. Ces livres m’intriguaient. Il
semblait que ce fût autour d’eux que s’était déroulée la
corrida. Ce n’était tout de même pas à la suite d’une
vérification de sa comptabilité par un polyvalent fiscal que