Pas de bavards à la Muette

présent, il n’y en avait pas. Ce n’était pas une troisième
douille.
C’était une broche en forme de cœur, un truc analogue
à celui que Célestin avait fauché à Mme Ailot, encore que
les broches en forme de cœur doivent se compter par
milliers. Je ne suis pas très connaisseur, mais ça ne me
paraissait pas être en or, et les diamants, dont l’objet était
piqué çà et là, avaient des reflets bien ternes, pour des
diamants. Je tournai et retournai ma trouvaille en tous
sens. Une minuscule charnière permettait d’ouvrir le
cœur et de voir ce qu’il avait dans le ventre. Je l’ouvris.
Gros malin, va ! Tu t’imaginais quoi ? Libérer un diablotin
grimaçant ? Il n’y avait rien, dans le cœur. Il n’y avait
peut-être jamais rien eu. Beaucoup de cœurs sont comme
ça. Je mis la broche dans ma poche.
Je passai dans la pièce voisine. Silence et obscurité. Je
cherchai un interrupteur, le manœuvrai. La lumière
fonctionnait. Annexe de l’entrepôt de meubles fatigués,
débarras numéro deux. Une commode ventrue sur une
autre d’un style moins noble, une table à rallonges, une
horloge normande au balancier ouvragé, muette depuis
des ans, etc. Une penderie contenait un tas de frusques,
masculines et féminines, relativement bien rangées sur
des cintres et légèrement naphtalinées. Quelques cintres
vides. Bon. Armoire aux trésors pour indigents. C’était ici
que l’on puisait, lorsqu’il s’agissait d’alimenter le vestiaire
d’œuvres charitables. Rien pour moi, là-dedans. Je ne
parie pas des vestons ou des falzars, des gilets rayés
défraîchis et des deux vieilles casquettes de chauffeur qui
voisinaient sur une planche avec trois paires de godasses