Pas de bavards à la Muette

commençaient à s’énerver. Et ils s’énervèrent encore plus
lorsque le haut-parleur annonça : « Les chevaux montent
en selle », encore que le lapsus déclenchât une houle
d’hilarité. L’employé cravacha un petit peu. J’étais à trois
types du guichet, lorsqu’on annonça : « Les chevaux se
rendent sur la ligne de départ. » Je fus servi de justesse.
« Le départ est donné. » La clameur habituelle s’éleva
aussitôt.
Je me précipitai dans l’escalier. Les épreuves ne
durent pas des siècles. Qu’au moins je voie un petit peu
comment se comportait mon canasson. Un autre
retardataire devant moi montait également les marches
quatre à quatre, galopant à chaque palier. Dans les
tribunes, ça hurlait de plus en plus. Il devait y avoir des
surprises. Un type me doubla, un mec qui semblait en
caoutchouc, un type avec de longues jambes. Il disparut
au premier tournant de l’escalier.
Trois coups de feu claquèrent, dominant le brouhaha
des parieurs surexcités. À part le type qui les avait tirés,
celui qui les avait essuyés et moi, personne ne les
entendit. M’aidant de la rampe, j’accélérai l’allure. Je
l’aperçus quelques marches plus haut, étendu de tout son
long, la tête en bas, commençant à baigner dans son sang.
En dépit de sa moustache rasée et de la douleur qui lui
crispait le visage, il était aisément reconnaissante. Le
revolver rend les hommes égaux. Le judo ne lui avait pas
été très utile, aujourd’hui. Et pour ce qui était de
bavarder, le rouge était mis. *
* *