Pas de bavards à la Muette

— Voyons ! vous le savez bien ! Depuis le temps…
— Oui, dis-je. C’est un don.
Machinalement, je lui caressai les cheveux.
— … On va se cloquer dans un coin d’ombre. C’est plus
prudent.
Jusqu’à ce que j’eusse trouvé l’endroit idéal, je ne dis
plus rien. J’arrêtai la bagnole et entrepris de bourrer une
pipe.
— On nous prendra sûrement pour deux amoureux,
dis-je. Mais ça n’aura rien que de très flatteur pour moi.
— Deux gentils amoureux ! fit Hélène, en riant. Dont
un avec une grosse bouffarde au bec.
— C’est juste. Je vais la planquer.
— Je vous le défends bien. Vous m’avez assez
dépeignée comme ça. Gardez votre pipe et reprenez donc
votre histoire.
— O.K. Donc, Bénech était un fortiche. Il s’était avisé
que certains des bijoux – exemple : la broche qu’il a
perdue rue Berton et que j’ai ramassée – étaient faux.
Cent mille balles pour restituer le stock en toc étaient
bons à prendre mais… si on pouvait en tirer davantage ?
— De quelle façon ? Ah ! voilà sans doute la question
idiote que vous attendiez ! Il n’y avait évidemment,
qu’une façon d’en tirer davantage. C’était de ne pas
marcher tout de suite dans la combine et de tenir la
dragée haute à Mme Ailot. À propos, est-ce que
Mme Ailot était au courant ? Je veux dire : savait-elle que
ses bijoux, ou certains de ses bijoux, étaient faux ?
— Deuxième question idiote. Elle ne m’aurait pas
engagé pour les retrouver, si elle l’avait su.