Pas de bavards à la Muette

— À quelques mots près, vous vous exprimez comme
un de mes anciens patrons. Un poète.
— On ne peut pas dire merde tout le temps. On
passerait pour mal embouché, à la longue.
Je pris l’avenue Ingres. Dans plusieurs des maisons
majestueuses qui la bordent, des fenêtres étaient
ouvertes, projetant sur les arbres les vives lumières des
lustres miroitants.
— Alors, ça marche toujours ? insistai-je.
— Pourquoi voudriez-vous que ça ne marche plus ?
soupira-t-il. C’est une fort agréable entreprise où tous les
goûts trouvent satisfaction. Nid d’amour ambulant ou
chambre discrète plus confortable, au choix.
— Vous paraissez connaître ça sur le bout du doigt,
mon vieux.
— Je n’arrive pas de ma province, c’est tout.
— Moi non plus.
Je coupai le boulevard Suchet, puis l’avenue du
Maréchal-Maunoury. Je m’engageai dans le Bois par la !
Route des Lacs. Les voitures qui traversaient le Carrefour
des Cascades semblaient participer à un carrousel. Il y eut
quelques appels de phares. Peut-être tout bêtement
motivés par la manœuvre ; peut-être un signal.
— Et l’autre combine ?
— Quelle autre ?
— La vôtre. La combine en soie et satin, rehaussée du
cuir dont on fait les leggings. La combine pour la
propagation des amours ancillaires.
Je pris le Chemin de Ceinture du Lac Inférieur.
— Écoutez, monsieur, dit le chauve, posément. Je vous