Pas de bavards à la Muette

de Berri. Depuis… J’allais tout de même tenter
discrètement ma chance auprès du loufiat, lorsque deux
autres clients vinrent prendre place au comptoir. Ils
venaient de la salle du fond ou des lavabos et sauf erreur
l’un d’eux était mon Célestin. Allure décrite, prestance
annoncée, taille et âge conformes. Chapeau mou gris,
cravate idem, liquette impeccable, veste de tweed,
culottes bleu marine et leggins, insigne de sa fonction. Son
compagnon était un petit gros, chauve comme un œuf,
lourd de traits, avec un œil en direction de la plus proche
serrure et l’autre braqué sur le plat, à la recherche du
meilleur endroit où cracher. Les bonnes habitudes
subsistent, même quand on a pris sa retraite. Ce mec-là
devait être le déshonorable Honoré ou successeur. En tout
cas, le jeune était Célestin. Nib-de-tifs l’appela Yves,
lorsqu’ils débattirent de la boisson qu’ils allaient
ingurgiter. Nib-de-tifs commanda un apéro et Célestin un
Vichy nature. Ça avait l’air d’une blague. Ce n’en était pas
une. Simple précaution.
— Faut pas que je pue la vinasse, dit-il élégamment.
— Eh bien, ajouta-t-il, avec un air de satisfaction, je ne
serai pas resté longtemps chômeur.
— Tu n’aurais pas voulu ! Au printemps ! s’esclaffa !
l’autre.
— Ça ne fait rien, répliqua l’ex-chauffeur de Mme Ailot,
moitié accablé, moitié rigolard, qu’est-ce qu’il faut pas
faire pour assurer ses vieux jours.
— Plains-toi donc !
— Bon. Je vais aller voir.
Il régla les consommations, sortit un calepin de sa