Pas de bavards à la Muette

accueillit.
— Je ne sais que penser, soupira Mme Ailot.
Elle se laissa choir dans le fauteuil et se pelotonna dans
son manteau. À part sa chemise de nuit en soie rose, elle
ne devait pas avoir un fil de plus sous sa peau de bête. Pas
maquillée, elle ne paraissait pas plus âgée, mais son
visage, qu’altérait une angoisse nerveuse mal refrénée,
exprimait aussi une dureté que je n’avais pas remarquée
lors de notre première entrevue. La lumière tamisée
faisait briller sa peau enduite d’un corps gras et ses
cheveux bleutés réclamaient l’intervention d’un peigne. Il
n’entrait certainement pas dans ses projets de me
séduire, à moins qu’elle n’eût sur ce chapitre des
conceptions particulières. Chaque fois que je pus saisir son
regard, j’y lus une frayeur certaine, mitigée d’une froide
résolution.
— Je suis là pour penser à votre place, dis-je. Expli…
Elle m’interrompit :
— Que vous est-il arrivé ? s’exclama-t-elle, en
s’apercevant de l’état défraîchi et… rafraîchi de mon
complet.
— Ce sont les choses auxquelles j’ai fait allusion au
téléphone, tout à l’heure, dis-je. J’ai rencontré Bénech, je
lui ai transmis votre proposition, il m’a demandé de le
laisser réfléchir, et au terme de ses réflexions il m’a fait
descendre une quinzaine de marches de pierre sur les
reins.
— C’est un homme affreux, gémit-elle. Il… il est venu
ici. Sans attendre qu’elle m’y invite, je pris un siège :