Pas de bavards à la Muette

gratinée crise de nerfs. Et j’y eus droit. Il était même
étonnant que je n’y aie pas eu droit plus tôt. Elle sursauta
comme sous le coup d’une décharge électrique, puis,
cependant qu’elle se convulsionnait, sa gorge émit un son
déchirant, semblable au hurlement rauque de la sirène
d’un remorqueur. Avez-vous déjà giflé une respectable
dame de cinquante piges ? Ce n’est pas agréable, je vous
l’assure, tout sadisme sous-préfectoral mis à part. Entre
autres inconvénients, on risque de lui faire sauter ou
avaler son dentier. Enfin, je me dévouai. Cela soulageait
également mes propres nerfs. Je parvins à l’apaiser, non
sans avoir, au cours de la séance, reçu quelques coups de
ses souliers de sport sur les tibias. Après avoir bien gigoté,
elle resta prostrée dans le fauteuil, à peu près dans le
même état que sa nièce. Quelle famille ! J’étais bien loti,
moi, avec ces deux citoyennes ! J’avais bonne mine.
Nestor, le partouzard bien connu. Le roi de la partie
triangulaire. Franc-tireur et partouzard. Une femme ne
lui suffit pas, pour meubler ses nuits. Il lui en faut un
assortiment. Une pas trop décatie et un tendron un peu
sinoque, assassin sur les bords. Enfin, c’est comme ça. Il
est trop vieux pour changer.
— Mon Dieu ! gémit Mme Ailot.
— Ne recommencez pas, grondai-je.
— Mais que… que… qu’allons-nous faire ?
— On va d’abord foutre le camp d’ici. Donnez-moi
votre manteau. Vous en avez moins besoin qu’elle.
Il me fallut le lui ôter moi-même. Je fis lever Suzanne
et lui passai la fourrure.
— Tirons-nous. Célestin se veillera tout seul.