Pas de bavards à la Muette

trottoir. Toujours sifflotant, il la poussa ensuite d’un
soulier traînaillant, mais acharné, jusqu’à ce que la porte
d’un des hôtels particuliers qui, sur ce côté de la rue, font
face aux immeubles de cinq étages, l’avalât. La boîte de
fromage resta dans le caniveau, à attendre qu’une autre
godasse charitable la catapulte plus loin sur la route de
l’aventure. Une belle paire, ce type avec son calendo et
mon Bénech avec sa clef ! Et, le premier, un mari sur
mesures pour la godiche à la bombe que j’avais vue sortir
du hameau de Boulainvilliers, tantôt. Ça ne pourrait
donner que des produits de choix. D’ores et déjà, je
m’inscrivais pour un.
— Il a tout du couillon, ce jeunot, ricanai-je.
— Ce n’est pas ce qui manque, par ici, dit Bénech.
— Tiens ! tu as retrouvé ta voix ? Elle est jolie, tu sais.
Dommage que tu t’en serves si peu.
— Je m’en suis suffisamment servi comme ça.
Et il retomba dans son mutisme.
Nous passâmes devant le cinéma de la rue des Vignes
dont la rampe au néon avait des ratés, et débouchâmes
rue Raynouard.
— On rentre ? demandai-je.
Il ne répondit pas et prit la direction opposée à l’Hôtel
de l’Assomption. Petit futé, va ! qui voulait me mettre sur
les genoux. Parce que, la rue Raynouard, à cet endroit,
elle grimpe plutôt. Ça ne me gênait pas, un peu d’exercice,
mais je commençais tout de même à en avoir un tantinet
marre, de sentir l’autre, à mes côtés, grillant cigarette sur
cigarette, essayer de se foutre de moi, sinon s’imaginer y
être parvenu. Nous atteignîmes le coin de l’avenue de