Pas de bavards à la Muette

installâmes sur un banc, devant l’Aquarium aux grilles
closes, et Zavatter dit :
— J’ai lu les comptes rendus du procès de la bande de
l’avenue Henri-Martin. J’ai lu aussi un bouquin du colonel
Rémy. Et j’ai aussi trouvé ça dans un canard paru ce
matin.
Il me tendit un hebdomadaire littéro-politico-satirique.
Un article était coché au crayon bleu. Je lus l’écho
suivant :
LE CRIME NE PAIE PAS. – Un fait divers sanglant a
bouleversé cette semaine le quartier de La Muette. Une
jeune fille de bonne famille a tué, dans des circonstances,
paraît-il, spéciales, le chauffeur de la maison. Il nous
revient que la tante de cette jeune personne ne serait
autre qu’une certaine Madame X… (nous nous réservons
d’écrire son nom avec des pleins et des déliés, si
nécessaire), laquelle Madame X… n’a dû, à la Libération,
de ne pas avoir d’ennuis, qu’au seul fait d’avoir vendu
comme du bétail son amant, le sire Maulin, auxiliaire de
Masuy. Existe-t-il une malédiction ? Nos actes nous
suivent-ils vraiment et de grands crimes toujours
appellent-ils de plus grands crimes encore ?
— Venimeux, mais intéressant, dis-je. À condition que
ce soit exact.
— C’est exact, dit Zavatter. Cet écho confirme ce que
j’ai déduit de la lecture du procès. À l’audience, l’avocat de
Maulin avait plus ou moins cassé le morceau. Ça n’a pas
empêché Maulin d’être condamné à mort. Il a été exécuté
le 1er octobre 1947, à Montrouge, en compagnie de ses
copains : Masuy et deux autres. Devant le peloton, ils ont