Pas de bavards à la Muette

livrer à je ne sais quelle gymnastique, le tout sur fond
sonore de locomotive en action. Le pêne en biseau – la
porte n’était pas plus solidement fermée – joua
silencieusement et l’huis s’entrebâilla.
De taille moyenne, trapu, assez âgé, l’homme, en ;
même temps qu’il tirait le battant à lui, s’y appuyait de
tout son poids. Il m’apparaissait comme coupé en deux
dans le sens de la hauteur. Je n’apercevais que la partie
gauche de son individu, mais sa tête, penchée sur l’épaule,
était visible dans sa totalité, et éclairée par la lampe du
vestibule et celle de la minuterie.
Si c’était là Raymond Rosembaum, je le voyais pour la
première fois.
En tant que juif, il présentait des caractéristiques
sémites tellement accusées qu’il semblait sortir du crayon
de Caran d’Ache. À part ça, il avait le teint plombé, les
yeux glauques et embrumés. Il ruisselait de sueur. Ses
abondants tifs frisés lui retombaient sur le front, en
mèches tire-bouchonnées, grasses, poisseuses et humides.
Son bras gauche pendait le long du corps…
… Et il y avait un revolver au bout de ce bras.
En dépit de ce détail, il ne débordait pas d’agressivité.
Plutôt pâle des genoux, même, et muet comme une carpe,
compte non tenu du bruit de forge de la gorge.
J’imprimai un léger mouvement à la porte. Le soufflet
de forge se tut. L’homme perdit l’équilibre, son pétard lui
échappa des doigts, et il se ratatina, bloquant la lourde. Je
réussis quand même à entrer, en poussant fort. Je
refermai le battant et me penchais sur Rosembaum.
Jamais il ne pourrait me dire si, à l’instar de