Pas de bavards à la Muette

— Quand ?
— Aux environs de minuit. Il me faut vous avouer que
je suis une insomniaque et…
— On ne dort pas beaucoup, dans le quartier.
— Que voulez-vous dire ?
De la main droite, elle se tritura nerveusement les
doigts de la main gauche.
— Vous ne dormez pas, dis-je. Le gardien de mon hôtel
ne dort pas. Célestin ne dort pas non plus. Et moi pas
davantage. C’est l’air de Passy qui veut ça ?
— Oh ! je vous en prie. Pas de commentaires oiseux.
— Excusez-moi. Que voulait-il ?
— Je… je vous le dirai plus tard. Ne dormant pas, ou si
peu, je suis très sensible aux bruits inhabituels… et peutêtre
n’ai-je pas entendu de bruit… peut-être est-ce
simplement par hasard que j’ai regardé dehors et… quoi
qu’il en soit, je l’ai aperçu au pied de la maison… il a dû
conserver ou se faire faire une clef de la porte de
derrière…
C’était à son tour de se répandre en propos oiseux :
— Tout ça, ce sont des détails, m’impatientai-je. Peu
importe que vous l’ayez vu par une fenêtre ; peu importe
par où il est venu ; s’il a sauté le mur ou la clôture. Il est
venu vous voir, cette visite semble vous avoir
bouleversée. Cela seul compte. Que vous a-t-il dit ?
— Mais, rien !
— Comment, rien ?
Elle enfouit son visage entre ses mains :
— Je crois, chuchota-t-elle, à travers ses doigts, que
maintenant je ne pourrai pas éviter le scandale.