Pas de bavards à la Muette

commerce que j’aie eu avec Bénech, j’ai une sale opinion
de lui, mais c’est une éventualité à envisager. Une flamme
fugace s’alluma dans son œil gris :
— Oh ! je vous en prie ! L’amour ! Sait-elle seulement
ce que c’est, cette gamine ? Elle ne jouit pas de toutes ses
facultés, voilà la vérité. Pourquoi vous le dissimuler ?
Vous l’avez bien vu vous-même, n’est-ce pas ? Elle est
simple d’esprit et Célestin n’a eu aucun mal à
l’embobeliner…
Je réfléchis que le beau Célestin ne tombait pas que les
simples d’esprit, mais qu’il était possible que la môme
Suzanne eût une case fêlée, en effet.
— …On doit malgré tout pouvoir lui faire entendre
raison, continua Mme Ailot. Je m’en charge. Après tout, je
suis sa seule parente. Mais je ne peux pas me charger de
Célestin.
— Moi non plus, soupirai-je.
— Pourquoi cela ? Je vous ai payé pour que…
— S’il vous plaît, ne confondons pas. Vous m’avez
embauché pour récupérer vos bijoux sans douleur ni
scandale. Franchement, je crois que je vais être obligé de
vous rendre votre argent. Ce Bénech est plus coriace que
nous ne supposions. En tout cas, que je ne supposais, moi.
Je crois que même contre un million, il ne vous
restituerait pas vos bijoux. Il aime mieux les garder.
Voyez comme il est ce personnage : je lui fais part de
votre proposition ; il demande à réfléchir, histoire de
m’endormir, car c’est tout réfléchi ; j’ignore pour quelle
raison, votre offre le blesse. « Ah ! c’est comme ça, se ditil.
Eh bien, on va voir. » Et il vient ici, enlever plus ou