Pas de bavards à la Muette

suppose, et si je fais erreur, que les aimables habitants de
la rue Charles-Dickens me pardonnent. De toute façon,
l’escalier dont je parle, il est bien là, lui. Vous pouvez aller
le voir. Il va devenir historique. Passage des Eaux, que ça
s’appelle. Des os escagassés, oui. Puisqu’ils aiment tant les
plaques commémoratives, dans l’arrondissement, j’en
ferai fixer une à cet endroit, un jour. Ça le mérite. Ma
tirelire est familiarisée avec les instruments contondants.
Elle en a stoppé, des coups. Des coups de crosse, des
coups de matraque, des coups de chaise. Une fois, un
enfant de garce de Saint-Germain-des-Prés m’a même
filé un coup de porte cochère. Mais un coup d’escalier,
j’étais encore à l’attendre. Eh bien, grâce à Célestin le
chaud chauffeur, je ne l’attendais plus. Il avait compris
combien j’appréciais l’originalité sous toutes ses formes.
Oui, allez le voir, cet escalier. Un escalier sans rampe ni
rien à quoi s’accrocher, et représentez-vous le petit
Nestor Burma le déboulant comme s’il n’avait fait que ça
toute sa vie, se heurtant de-ci de-là, et en prenant en
dernier lieu un joli coup derrière les oreilles. Et quand je
voulus me relever, jurant et sacrant, mes saloperies de
semelles crêpe me jouèrent la pièce de déraper sur les
marches usées et encore tout humides de l’averse récente
et, cette fois, ce fut mon menton qui écopa.
*
* *
Je me mis sur le dos, achevant de récupérer selon la
méthode fakiriste, avec les arêtes des marches qui
m’entraient dans la chair. De la plume eût été préférable
et je n’allais pas tarder à rejoindre mon lit de location,