Pas de bavards à la Muette

on l’oblige à tuer. Mais c’est lui qui tue, pas les autres. S’il
n’avait pas tué, la suite eût été différente. Bénech mort,
les gangsters disent ; « Maintenant, débrouille-toi avec le
macchabée. Mais, désormais, nous te tenons plus
qu’avant. Il faut que ta mère nous dise ce que sont
devenus les vrais bijoux. » Et je suppose qu’ils se tirent.
Leur bagnole devait stationner au début de l’avenue
Marcel-Proust, où elle a perdu de l’huile…
— À moins que ce ne soit une autre voiture, objecta
l’inspecteur Fabre.
— C’est sans importance. André s’en va d’ici à son tour,
va tout raconter à sa mère. Tableau ! On pourrait peutêtre
essayer de faire disparaître le cadavre, mais Nestor
Burma a déjà pris contact avec le chauffeur, il va se
mettre à fouiner. C’est alors qu’un plan diabolique germe
dans le cerveau de cette femme, qui était une femme de
tête, à certains moments. Je suis surpris qu’elle se soit
suicidée. Mais sait-on jamais ce qui peut se passer dans
une tête, même la tête d’une femme de tête ? Ce plan
diabolique, le voici : « Mon fils a tué, mais je sauverai mon
fils ; et puisqu’il faut un coupable, ce sera ma nièce. » Sa
nièce sera bientôt majeure. Je n’aime pas beaucoup les
filles qui approchent de vingt et un ans, moi.
— Vraiment ? Vous m’étonnez ! ironisa lourdement le
commissaire.
— Je veux dire que les orphelines qui approchent de
leur majorité, ça me met toujours la puce à l’oreille. Vous
vérifierez, mais je serais bien surpris si, à ses vingt et un
ans, Suzanne ne devait pas hériter de la fortune de son
père, si fortune il y a, fortune qui reviendrait à Mme Ailot,