Pas de bavards à la Muette

même odeur de renfermé imprégnait le vestibule… avec
peut-être autre chose : un parfum. Je levai la tête.
Il y avait de la lumière, là-haut, au premier étage. Une
lumière jaune qui s’étendait sur les derniers degrés de
l’escalier de chêne, comme l’autre nuit.
Comme l’autre nuit, je sortis mon pétard et grimpai
l’escalier, mais sans hâte. Je débouchai dans la fameuse
pièce au divan. Je me sentis soulagé. Pas de cadavre sur le
tapis. Personne pour me flinguer. C’était toujours ça.
J’avançai à pas de loup vers le rideau masquant la porte
de communication. J’écartai le rideau. Le battant de la
porte était grand ouvert.
Elle était penchée sur une petite table et me tournait le
dos. Elle portait un imperméable de soie beige, des
soquettes et des chaussures de sport. La lumière chiche
qui tombait du plafonnier poussiéreux jouait dans ses
cheveux bleutés. Je remis mon pétard en fouille.
— Excusez-moi, toussotai-je.
Elle sursauta, poussa un cri et se retourna, la figure
bouleversée par l’émotion et la terreur. Dans son
mouvement, elle démasqua la petite table. Au milieu de
plusieurs épaisseurs de papier d’emballage, deux colliers
de perles, des bagues et un pendentif brillaient
faiblement.
*
* *
— Excusez-moi, répétai-je en m’avançant.
Elle porta la main à sa poitrine :
— Dieu soit loué ! ce n’est que vous ! dit-elle. Vous
m’avez fait une peur atroce.