Pas de bavards à la Muette

CHAPITRE V
LE LANGAGE DES INDICES
Rien n’avait changé, dans le pavillon tragique. Le
plafonnier, que nous avions laissé allumé en nous
débinant, continuait à répandre sa lumière jaune sur le
cadavre d’Yves Bénech. Je me penchai sur le corps. Le
pruneau qu’il avait reçu en plein palpitant et qui avait
traversé imper, veston et chemise devait l’avoir tué net.
Il reposait sur le dos, ses talons repoussant un tapis qui,
de ce fait, ondulait en plis inégaux, comme les vagues
d’une mer de théâtre forain. Je me redressai. Yves
Bénech ! Un chaud lapin refroidi ! Lui qui aimait tant la
position horizontale, il était servi. Madame est servie ! Il
l’était à son tour. Un fortiche ! Je l’avais averti. Un
fortiche pareil ne pouvait pas faire de vieux os !
Sur cette oraison funèbre, j’éprouvai le besoin de
m’asseoir. La fatigue s’emparait sournoisement de moi.
C’était sans doute également la fatigue qui m’énervait
ainsi, me faisait débloquer. Ne te cherche pas d’excuses,
Nestor ! Tu es mal élevé, c’est tout. Et pas sortable. Et
scandaleux en diable. Pour un peu tu l’injurierais, le
Bénech. Jaloux ! Pas de son état actuel, en tout cas.
Je m’assis sur le divan et promenai alentour un regard
panoramique.
Ça ressemblait davantage à un piège à rats qu’à un nid
d’amour, mais tous les goûts sont dans la nature.
Pas un des meubles que j’avais sous les yeux qui ne