Pas de bavards à la Muette

— C’est vrai ! gloussa l’hôtelier. Ce que c’est que
l’habitude, tout de même, hein ?
*
* *
Ma Dugat 12 n’avait pas bougé. Je m’installai au volant
et pris la direction de la Chaussée de La Muette. J’aurais
peut-être plus de chance, à cette heure. J’eus plus de
chance. Le gros René, paraissant encore plus chauve sous
la violente lumière du bistrot, disputait une belote avec
trois autres types, dont un à dégaine de chauffeur, modèle
Bénech, mais en plus vivant. Je m’aguéridonnai non loin
des joueurs et j’attendis la fin de la partie. Ce ne fut pas
long. Elle devait être en train depuis déjà longtemps.
M. René sécha alors son demi, se leva et fila vers les
lavabos. Je le suivis. Et lorsque nous fûmes seuls dans un
couloir étroit :
— Monsieur René ? fis-je.
— Oui, monsieur.
— Ce serait pour du travail…
— Pas ce soir, dit-il. Je suis navré.
De son ancien métier de larbin, il lui restait certaines
manières, quelque chose dans la voix, aussi, d’obséquieux,
de cauteleux, de gluant et de sournois.
— Prenez toujours ma carte, dis-je.
Il la prit et y jeta un coup d’œil rapide. Sa bouche de
crapaud se crispa légèrement, provoquant l’apparition
d’un menton supplémentaire.
— Mon nom vous dit quelque chose ? demandai-je.
— Ça devrait ?
— Si vous lisez le Crépu ou écoutez la radio, oui. Et la