Pas de bavards à la Muette

même vous poser quelques questions.
— Oui, commissaire, balbutia-t-elle. C’est un drame
affreux…
— Oui, madame.
Les drames – affreux, pas affreux, plus affreux, moins
affreux –, c’étaient son pain quotidien.
— Où est-elle ? demandai-je.
— Dans sa chambre, dit Mme Ailot. J’ai appelé un
médecin. Le docteur Valois. Il a prescrit… je ne sais quoi…
une potion calmante, je crois… Il vient de m’envoyer une
infirmière.
— Conduisez-nous, dit Faroux.
Les rideaux étaient tirés devant les fenêtres, mais de
façon que le jour pénètre dans la pièce sans toutefois
incommoder la dormeuse. C’était une chambre coquette,
mais en désordre, et où l’on respirait un parfum lourd.
Suzanne paraissait moins dormir qu’être évanouie. Parmi
l’amas de sa chevelure châtain aux reflets roux, son
visage se détachait, tout blanc, à peine moins blanc que les
draps et l’oreiller.
— Mais c’est une gosse ! s’exclama Faroux.
— Je croyais vous l’avoir dit, fis-je.
— Vingt ans, pleurnicha Mme Ailot.
— Violette Nozières, aussi, avait vingt ans, dit Faroux,
comme s’il y avait un rapport.
L’infirmière, une bonne femme aux traits rudes et
sévères, aussi empesée que son uniforme, nous considéra
avec étonnement.
— Le docteur…, hasarda-t-elle.
— Police, coupa Faroux. Elle en a pour longtemps, à