Pas de bavards à la Muette

lance. La mère Ailot peut changer d’avis et elle en
changera sûrement, si tu te montres trop coriace. Pour le
moment, elle aime mieux étouffer l’affaire. Profite donc de
ce qu’elle est bien disposée. Cent sacs, c’est bon à
prendre. Tu m’écoutes ?
Il avait l’air d’écouter, mais pas moi, ni la pluie qui
dégoulinait. Peut-être la voix de sa conscience, peut-être
celle du bon sens. Il jura, se frappa du poing droit la
paume gauche. Encore un juron, puis :
— Faut que je réfléchisse, dit-il.
— Cent sacs, c’est bon à prendre, répétai-je.
Il ne répondit pas. Il devait réfléchir, comme annoncé.
Au bout d’un moment, il se secoua :
— Ça alors ! sifflota-t-il. Cent sacs ?
— C’est bon à prendre, bâillai-je.
J’en avais marre, de discuter avec cette tête de mule.
Je n’allais pas me fatiguer à former des phrases. Je
resservirais jusqu’à plus soif celles que j’avais déjà dites.
— C’est bon à prendre, fit-il, en écho. Tu les as là ?
— Et toi ?
— Quoi moi ?
— Les bijoux.
— Ils ne sont pas ici.
Je me levai :
— Je vais me pieuter, dis-je. Je l’ai bien gagné. Tu m’as
l’air parti pour réfléchir. Réfléchis tout son soûl. Si des fois
t’avais quelque chose à me dire… j’habite à côté. Salut et
merci pour le gin.
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