Pas de bavards à la Muette

Bénech.
Et c’était l’unique moyen d’en finir avec elle, qui
menaçait de me tenir la jambe jusqu’à l’aube, si je la
laissais faire. En rougissant – il n’y avait pas de quoi –,
elle me dit qu’elle allait s’habiller. Elle sortit de la pièce et
revint presque aussitôt, toujours pas maquillée, toujours
échevelée, toujours enveloppée dans sa fourrure, mais
plus confortablement vêtue, en dessous, d’un tailleur de
tweed. Elle avait remplacé ses mules par des chaussures
de sport à talons plats et enfilé des socquettes. Soit de
nervosité, soit de froid, elle grelottait imperceptiblement.
— Nous irons là-bas en voiture, dit-elle. Évidemment,
vous savez conduire, n’est-ce pas ? Je serais incapable de
le faire.
J’acquiesçai. Là-dessus, veillant à ne pas attirer
l’attention des populations – fils et larbin –, nous nous
rendîmes au garage. Il s’élevait en retrait de l’habitation,
au fond du jardin, dans d’anciennes écuries transformées.
Il abritait deux autos : une limousine et un élégant petit
cabriolet Tallemet. Nous prîmes la Tallemet. C’était une
excellente et souple mécanique qui roula sur la piste
cimentée conduisant à la rue en ne produisant pas plus de
bruit qu’un gros chat ronronneur.
Bientôt trois heures à mon beffroi personnel et portatif.
Passy était d’un calme lugubre.
*
* *
Je stoppai rue Berton, au pied de l’escalier la reliant à
la rue Raynouard, et nous descendîmes de voiture. La rue
Berton n’est pas praticable sur toute sa longueur. À un