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447 DE LA CENE. 448<br />
à fin de n'estre exclus d'un si grand bien, et consequemment<br />
de toutes les graces desquelles la privation<br />
s'en ensuit. Les seconda ont quelque couleur,<br />
pource qu'ilz prennent cest argument : à sçavoir,<br />
que s'il n'est pas licite de manger le pain commun<br />
avec ceux qui se nomment frères et mènent vie dissollue<br />
et mesohante; par plus forte raison, il nous<br />
fault garder de communiquer avec eux au pain du<br />
Seigneur, lequel est sanctifié pour nous représenter<br />
et dispenser le corps de Christ. Mais la response<br />
n'est pas trop difficile: que ce-n'est pas l'office d'un<br />
chascun particulier de iuger et discerner, pour admettre<br />
ou deschàsser qui bon luy semble: veu que<br />
ceste prerogative appartient à toute l'Esglise en general,<br />
ou bien au Pasteur, [pag. 39] avec les Anciens<br />
qu'il doibt avoir pour luy assister au gouvernement<br />
de l'Esglise. Car sainct Paul ne commande<br />
pas d'examiner les autres, mais qu'un chascun s'examine<br />
soymesme. Bien est vray que nostre debvoir<br />
est de admonester ceux que nous voyons vivre<br />
desordonnément, et s'ilz ne vous veulent escouter,<br />
d'en advertir le pasteur à fin qu'il y procède par<br />
auctorité ecclesiasticque. Mais ce n'est pas le moyen<br />
de nous retirer de la compaignie des meschans, en<br />
quittant la communion de l'Esglise. D'avantage, il<br />
adviendra le plus souvent, que les crimes ne sont pas<br />
si notoires, qu'on puisse venir iusque à excommunication.<br />
Car combien que le pasteur iuge en son<br />
cueur quelque homme indigne, toutesfois, il n'a pas<br />
le povoir de le pronuncer tel et luy interdire la Cène,<br />
sinon, qu'il le puisse convaincre par iugement ecclesiasticque.<br />
En tel cas, n'avons autre remède que de<br />
prier Dieu qu'il vueille délivrer de plus en plus son<br />
Esglise de tous scandales, en attendant le iour dernier<br />
[pag. 40] auquel la paille ') sera plainement séparée<br />
du bon grain. Les troisiesmes n'ont nulle apparence<br />
de verisimilitude. Car ce pain spirituel ne nous<br />
est pas donné à fin que nous en soûlions 2 ) du premier<br />
coup: mais plustost à fin qu'en ayant eu quelque<br />
goust de sa douceur, nous appetions 3 ) d'avantage<br />
et en usions quand il nous est offert. C'est ce que<br />
nous avons cy dessus exposé, que ce pendant que<br />
nous conversons en ceste vie mortelle, Iesus Christ<br />
ne nous est iamais cbmmunicqué en telle sorte, que<br />
noz âmes en soient du tout rassasiées, mais nous<br />
veult estre en nourriture continuelle.<br />
Pour venir au quatriesme poinct principal: 4 )<br />
le Diable sçachant que nostre Seigneur n'avoit rien<br />
laissé plus utile à son Esglise que ce sainct Sacre-<br />
ment, selon sa manière accoustumée s'est efforcé de»<br />
le commencement de le contaminer d'erreurs et de<br />
superstitions pour en corrumpre et destruirelefruiot,<br />
et n'a cessé de poursuivre ceste entreprinse iusques<br />
à ce qu'il a quasi du tout renversé [pag. 41] l'ordonnance<br />
du Seigneur, et convertie en mensonge<br />
et vanité. Mon intention n'est pas de maroquer en<br />
quel temps un chascun abus a pris commencement,<br />
et en quel temps il a esté augmenté. H me suffira<br />
de noter par articles quelz erreurs le Diable<br />
à introduietz, desquelz il nous fault garder, si nous<br />
voulons avoir la Cène du Seigneur en son entier.<br />
Pour le premier, comme ainsi soit que le Seigneur<br />
nous ayt donné sa Cène à fin qu'elle feust<br />
distribuée entre nous pour nous testifier que en<br />
communicquant à son corps, nous avons part au<br />
Sacrifice qu'il a offert en la croix à Dieu son Père<br />
pour l'expiation et satisfaction de noz péchez : les hommes,<br />
de leur teste, ont inventé au contraire que c'est<br />
un Sacrifice par lequel nous acquérons la remission<br />
de noz péchez devant Dieu. Cela est un sacrilege qui<br />
ne se peut nullement porter. Car si nous ne recongnoisson8<br />
la mort du Seigneur Iesus, comme ') un<br />
Sacrifice unicque par lequel [pag. 42] il nous a reconcilié<br />
au Père, effaceant toutes les faultes dont<br />
nous estions redevables à son iugement, nous destruisons<br />
la vertu d'icelle. Si nous ne confessons<br />
Iesus Christ estre le seul Sacrificateur, que noua<br />
appelions communément Prestre, par l'intercession<br />
duquel nous sommes reduietz en la grace du Père,<br />
nous le despouillons de son honneur et luy faisons<br />
grande iniure. Puis doncq que ceste opinion qu'on<br />
a tenue de la Cène, que c'estoit un Sacrifice pour<br />
acquérir remission des péchez, derrogue à cela, il la<br />
fault condamner comme diabolicque. Or, qu'elle y<br />
derrogue, c'est chose trop notoire. Car comment<br />
accorderoit-on ces choses ensemble, que Iesus Christ<br />
en mourant âyt offert un sacrifice à son Pero, par<br />
lequel il nous a, une foys pour toutes, acquis remission<br />
et grace de toutes no& faultes, et que iournellement<br />
il faille sacrifier pour obtenir ce qu*on<br />
doibt cercher en icelle mort seullement? Cest erreur<br />
n'a pas esté du premier coup [pag. 43] tant<br />
extreme: mais petit à petit a pris son accroissement,<br />
iusques a ce qu'il est là venu. Il appert que les<br />
anciens Peres ont appelle la Cène sacrifice. Mais<br />
ilz rendent la raison, pource que la mort de Iesus<br />
Christ y est représentée. Ainsi leur dire revient<br />
là, que ce nom luy est attribué seulement pource<br />
qu'eue est memoire de ce sacrifice unicque, auquel<br />
nous debvons plainement nous arrester. Combien<br />
que ie ne puis bonnement excuser la coustume de<br />
1) Au lieu de paille on lit dans la première édition (1541) :<br />
parolle. '<br />
'2) que nous nous en soûlions, 1549 ss.<br />
3) nous l'appâtions, 1549 ss.<br />
4) La première édition omet cette phrase: Pour venir au 1) comme 1541; et tenons comme 1542; et la tenons comme<br />
quatriesme poinct principal.<br />
1549 ss.; ac certo teneamus (G-allas.).