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451 DELA CENE. 452<br />
est appelle pain. Seulement ie dys que la nature<br />
du Sacrement requiert cela, que le pain materiel<br />
demeure pour signe visible du corps. Car c'est une<br />
reigle generalle pour tous Saoremens, que les signes<br />
que nous y voyons doivent avoir quelque similitude<br />
avec la chose spirituelle [pag. 49] qui y est figurée.<br />
Comme doncq au baptesme nous avons certitude<br />
du lavement intérieur de noz âmes, quand l'eaue<br />
nous en est donnée pour tesmoignage, laquelle nettoyé<br />
noz ordures corporelles: aussi fault-il qu'en la<br />
Cène il y ayt du pain materiel, pour nous testifier<br />
que le corps de Christ est nostre viande. Car autrement,<br />
quelle signification seroit-ce, que la blancheur<br />
nous figurast cela? Nous voyons doncq clairement<br />
comme toute la representation, laquelle nous<br />
a voulu donner le Seigneur pour condescendre à<br />
nostre infirmité, periroit, sinon que vrayement le pain<br />
demeurast. Car les parolles dont nous use le Seigneur<br />
emportent autant comme qui diroit: Tout ainsi<br />
que l'homme est substenté et entretenu selon le corps<br />
en mangeant du pain, ainsi ma chair est la nourriture<br />
spirituelle dont les âmes sont vivifiées. D'avantage,<br />
que deviendroit l'autre similitude que baille<br />
sainct Paul? c'est, comme plusieurs grains de bled<br />
sont meslez ensemble [pag. 50] pour faire un pain,<br />
ainsi fault-il que nous soyons unis J ) ensemble, puis<br />
que nous particippns tous d'un pain. S'il n'y avoit<br />
que la blancheur sans substance, ne seroit-ce pas<br />
mocquerie de parler ainsi? Pourtant nous concluons<br />
sans doubte, que ceste transsubstantiation est invention<br />
forgée du Diable, pour depraver la vérité de<br />
la Cène.<br />
De ceste phantasie sont sorties après plusieurs<br />
autres folies. Et pleust à Dieu qu'il n'y eust que<br />
folies, et non pas grosses abominations. Car on a<br />
imaginé ie ne sçay quelle presence locale, et a on<br />
pensé que Iesus Christ, en sa divinité et humanité,<br />
estoit attaché à ceste blancheur, sans avoir esgard a<br />
toutes les absurditez qui s'en ensuyvent. Combien<br />
que les anciens docteurs Sorbonicques disputent plus<br />
subtilement, comme?) le corps et le sang sont conioinctz<br />
avec les signes: toutesfois on ne peut nyer<br />
que ceste opinion n'ayt esté receue des grans et<br />
petis en l'Esglise papalle, et qu'elle ne soit auiourdhuy<br />
cruellement maintenue [pag. 51] par feu et par glaive:<br />
que Iesus Christ est contenu soubz ces signes, et<br />
que là il le fault cercher. Or, pour soubstenir cela,<br />
ü fault confesser, ou que le corps de Christ est sans<br />
mesure, ou qu'il peut estre en divers lieux. Et en<br />
disant cela, on vient en la fin à ce poinct qu'il ne<br />
diffère en rien d'un Phantasme. 8 ) De vouloir doncq<br />
1) uns, 1566 ss. (coniunctos, Graïlas.).<br />
2) comment, 1549 ss.<br />
3) d'un Phantasme, 1541. 1542; d'un phantosme, 1549; à<br />
un phantosme, 1566 ss.<br />
establir une telle presence, par laquelle le corps de<br />
Christ feust *) enclos dedans le signe, ou y soit conioinct<br />
localement, c'est non seulement une resverie,<br />
mais un erreur damnable, contrevenant à la gloire<br />
de Christ, et destruisant ce que nous devons tenir<br />
de sa nature humaine. Car l'Escriture nous enseigne<br />
par tout, que comme le Seigneur Iesus a<br />
prins nostre humanité en terre, aussi il l'a exaltée<br />
au ciel, la retirant de condition mortelle : mais non<br />
pas en changeant sa nature. Ainsi nous avons deux<br />
choses à considérer, quand nous parlons de ceste<br />
humanité: c'est que nous ne luy ostions pas la vérité<br />
de sa nature, et que nous ne deroguons 2 ) rien<br />
[pag. 52] à sa condition glorieuse. Pour bien observer<br />
cela, nous avons à eslever tousiours noz pensées<br />
en hault, pour cercher nostre rédempteur. Car si<br />
nous le vendons abaisser soubz les elemens corruptibles<br />
de ce monde, oultre ce que nous destruisons<br />
ce que l'Escriture nous monstre de sa nature humaine,<br />
nous anéantissons la gloire de son ascension.<br />
Pource que plusieurs autres ont traicté ceste matière<br />
amplement, ie me déporte de passer oultre.<br />
Seulement i'ay voulu noter en passant, que d'enclorre<br />
Iesus Christ par phantasie soubz le pain etr<br />
le vin, ou le conioindre tellement avec, que nostre<br />
entendement s'amuse là sans regarder au ciel, c'est<br />
une resverie diabolicque. Et aussi nous en toucherons<br />
encores en un autre lieu. Or, ceste perverse<br />
opinion, après avoir esté une fois receue, a engendré<br />
beaucoup d'autres superstitions. Et premièrement<br />
ceste adoration charnelle, laquelle n'est que<br />
pure ydolatrie. Car de se prosterner devant le pain<br />
de la Cène, [pag. 53] et là adorer Iesus Christ comme<br />
s'il y estoit contenu, c'est en faire un ydole, au lieu<br />
d'un Sacrement. Nous n'avons pas commandement<br />
d'adorer, mais de prendre et de manger. Il ne faloit<br />
pas doncq attenter cela si témérairement. D'avantage,<br />
cela a esté tousiours observé en l'Esglise ancienne,<br />
que devant que célébrer la Cène, on exhortoit<br />
solennellement le peuple de lever leurs cueurs<br />
en hault, pour dénoter qu'on ne se devoit arrester<br />
au signe visible, pour bien adorer Iesus Christ. Mais<br />
on n'a que faire de combatre longuement sur ce<br />
poinct, quand la presence et conionction de la vérité<br />
avec le signe, dont nous avons parlé et parlerons<br />
cy après, sera bien entendue. D'une mesme source<br />
sontprocedées les autres façons superstitieuses, comme<br />
de porter en pompe le Sacrement par les rues une<br />
fois l'an, et luy faire l'autre iour un tabernacle, et<br />
tout au long de l'année le garder en une armoire<br />
pour amuser là le peuple, comme si c'estoit Dieu.<br />
Pource que tout cela, [pag. 54] non seulement a esté<br />
1) soit, 1549 ss.<br />
2) deroguions, 1549 ss.