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459 DE LA CENE. 460<br />
ainsi a esté démenée trop amèrement par l'espace de<br />
quinze ans ou environ, sans que iamais les uns ayent<br />
voulu escouter les autres d'un cueur paisible. Car<br />
combien qu'ilz ayent une fois conféré ensemble, neantmoins,<br />
il y avoit telle aliénation, qu'ilz s'en retournèrent<br />
sans aucun accord. Mesme, au lieu d'approcher<br />
de quelque bon appoinctement, ilz se sont<br />
tousiours reculiez de plus en plus, ne regardans autre<br />
chose que à deffendre leur sentence, et confuter tout<br />
ce qui estoit au contraire. Nous avons doncq en<br />
quoy Luther a failly de son costé, et en .quoy (Ecolampade<br />
et Zuingle ont failly du leur. C'estoit, du<br />
commencement l'office de [pag. 70] Luther d'admonnester<br />
qu'il n'entendoit pas establir une telle presence<br />
locale que les Papistes la songent. Item, de<br />
protester qu'il ne vouloit pas faire adorer le Sacrement<br />
au lieu de Dieu. Tiercement, de se abstenir<br />
de ces similitudes tant rudes et difficiles à concevoir,<br />
ou en user modérément, les interprétant en sorte<br />
qu'elles ne poussent engendrer nul scandale. Depuis<br />
le débat esmeu il a excédé mesure, tant en declarant<br />
son opinion, comme en blasmant les autres<br />
avec une amertume de parolle trop rigoureuse. Car<br />
au lieu de s'exposer en telle sorte qu'on peust recevoir<br />
sa sentence, selon sa vehemence accoustumée,<br />
pour impugner les contredisans, il a usé de formes<br />
nyperbolicques de parler, lesquelles estoient bien dures<br />
à porter à ceux qui autrement n'estoient pas<br />
fort disposez à croire à son dire. Les autres ont<br />
offensé aussi, en ce qu'ilz se sont tellement acharnez<br />
à crier contre l'opinion superstitieuse et fantasticque<br />
des papistes, [pag. 71] touchant la presence<br />
locale du corps de Iesus Christ dedans le Sacrement,<br />
et l'adoration perverse qui s'en ensuyvoit,<br />
qu'ilz se sont plus efforcez de ruyner le mal, que<br />
d'esdifier le bien. Car combien qu'ilz n'ayent pas<br />
nyé la vérité, toutesfoys ilz ne l'ont pas enseignée<br />
si clairement qu'ilz debvoient. I'entens, que en mettant<br />
trop grand' peine à maintenir que le pain et<br />
le vin sont nommez corps et sang de Christ, à cause<br />
qu'ilz en sont signes, ilz n'ont pas regardé de adiouster<br />
qu'ilz sont tellement signes que la vérité est<br />
conioincte avec. Et ainsi protester qu'ilz ne pretendoient<br />
nullement d'obscurcir la vraye communion<br />
que nous donne le Seigneur en son , corps et son<br />
sang par ce Sacrement.<br />
L'une partie et l'autre a failly en n'ayant point<br />
la patience de s'entre escouter, à fin de suivre la<br />
vérité sans affection, où elle seroit trouvée. Neantmoins,<br />
si ne debvons nous pas laisser de penser quel<br />
est nostre debvoir. C'est de n'oublier les graoes que<br />
le Seigneur leur [pag. 72] a faictes, et les biens qu'il<br />
nous a distribuez par leurs mains et par leur moyen.<br />
Car si nous ne sommes point ingratz et mecongnoissans<br />
de ce que nous leur debvons, nous leur pourrons<br />
bien pardonner cela et d'avantage, sans les blasmer<br />
ne diffamer. Brief, puis que nous les voyons avoir<br />
esté et estre encor en partie de vie saincte et sçavoir<br />
excellent, et de zèle singulier à édifier l'Esglise, nous<br />
en debvons tousiours iuger et parler avec modestie<br />
et reverence. Mesme l ) puis qu'il a pieu en la fin<br />
à nostre bon Dieu, après les avoir ainsi humiliez,<br />
de mettre fin à ceste malheureuse disceptation ou<br />
pour le moins de l'appaiser, eh attendant qu'elle soit<br />
du tout décidée. le dy cela pource qu'il n'y a point<br />
encor eu de formulaire publié où fust arrestee la<br />
concorde, comme il en seroit bien mestier. Mais<br />
ce sera quand il plaira à Dieu, d'assembler en un<br />
lieu tous ceux qui ont à le composer. Cependant<br />
il nous doibt suffire qu'il y a fraternité et communion<br />
entre les [pag. 73] Esglises, 'et que tous accordent,<br />
entant qu'il est nécessaire pour convenir ensemble,<br />
selon commandement de Dieu. Nous confessons<br />
doncq tous d'une bouche, que en recevant en Foy<br />
le Sacrement, selon l'ordonnance du Seigneur, nous<br />
sommes vrayment faictz participans de la propre<br />
substance du corps et du sang de Iesus Christ. Comment<br />
cela se faict, les uns le peuvent mieux desduire<br />
et plus clairement exposer que les autres.<br />
Tant y a que d'une part il nous fault, pour.exolurre<br />
toutes phantasies charnelles, eslever les cueurs en<br />
hault au ciel, ne pensant pas que le Seigneur Iesus<br />
soit abaissé iusque là, de estre enclos soubz<br />
quelques elemens corruptibles. D'aultre part, pour<br />
ne point amoindrir l'efficace de ce sainot mystère,<br />
il nous fault penser que cela se faict par la vertu<br />
secrete et miraculeuse de Dieu, et que l'Esprit de<br />
Dieu est le lien de ceste participation, pour laquelle<br />
cause elle est appellee spirituelle.<br />
1) Mesmement, 1566 ss.