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A representação feminina nos lendários gaúcho e quebequense

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Elle se fit raconter plus d'une fois la mort de cette sorcière, et il lui semblait alors<br />

qu'elle sentait les morsures des flammes qui montaient du bûcher vengeur; elle se sentait prise<br />

de rage contre la société qu'elle accusait d'injustice.<br />

Sortie d'une pareille source, en possession de si terribles secrets, Marie-Josephte<br />

Corriveau ne pouvait guère ressembler aux naïves paysannes de son village.<br />

Les années suivirent les années, la jeunesse s'envola, et la petite fille d'Exili demeura<br />

seule et solitaire à son foyer déjà redouté. Elle se consumait dans l'ennui.<br />

Alors, il circula dans la paroisse une rumeur étrange: il y avait un trésor quelque part<br />

et la Corriveau savait où le trouver. Elle seule le savait. C'était elle, la rusée commère, qui<br />

avait lancée cette menteuse rumeur. Le truc réussit.<br />

Un habitant un peu simple et fort cupide, Louis Dodier, crut faire preuve de flair et de<br />

tact en épousant la femme qui possédait un tel secret.<br />

Le mariage fut peut-être béni, mais il demeura stérile. Nul ange ne vint tendre ses<br />

petits bra«comme pour exciter la tendresse maternelle, et amollir la dureté de ce coeur. La<br />

femme Dodier maudit sa stérilité, et livra son âme à toutes les passions mauvaises. Mais elle<br />

fut aussi adroite que méchante, et sut longtemps déjouer les soupçons. Elle faisait une aumône<br />

par ostentation, et les bonnes gens l'attribuaient à la charité; elle disait la bonne aventure aux<br />

jeunes filles, et les jeunes filles la trouvaient aimable; elle avait des paroles vides comme des<br />

bulles d'air, mais parées des plus vives couleurs de l'amitié.<br />

Elle était haïe et redoutée de ses voisins.<br />

Néanmoins, bien qu'on fit le signe de la croix sur la chaise où elle s'asseyait, on lui<br />

souhaitait la bienvenue quand elle entrait, et le bonsoir quand elle sortait. Elle allait chez le<br />

riche et chez le pauvre; elle faisait des dupes partout, et partout, au lieu de la maudire, on lui<br />

donnait de l'argent ou des remerciements.<br />

Elle se croyait au-dessus de tous les gens qui l'entouraient, à cause des horribles<br />

secrets de famille qu'elle savait, et elle se disait avec une superbe étrange, qu'ils ne vivaient<br />

tous que par sa permission. Elle pouvait les anéantir en un clin d'oeil. Il y avait quelque chose<br />

de sublime dans cette satanique vanité.<br />

Pour elle, l'amour ne fut qu'un moyen d'arriver à ses fins cupides. Elle ne le ressentit<br />

jamais et ne s'occupa jamais de l'inspirer, excepté par intérêt. Tous les sentiments nobles<br />

s'étaient éteints dans son âme comme la flamme d'une lampe où il n'y a plus d'huile. Seules au<br />

fond de son coeur grouillaient l'avarice sordide avec la haine de la société.<br />

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