26.06.2013 Views

A representação feminina nos lendários gaúcho e quebequense

A representação feminina nos lendários gaúcho e quebequense

A representação feminina nos lendários gaúcho e quebequense

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

familière avec dame Tremblay. La charmante Joséphine de jadis l'avait souvent<br />

consultée, dans les instants critiques où son coeur large était également divisé entre ses<br />

nombreux admirateurs. Maintenant, le plus grand plaisir de ces deux vieilles friponnes était de<br />

s'asseoir à une petite table, en face l'une de l'autre, avec une tasse de thé ou un verre de rhum, et<br />

de rappeler ce temps éloigné de leur jeunesse scabreuse. Cela avait la senteur du vice aimé, et<br />

ragaillardissait leurs esprits, comme la senteur du foin nouvellement fauché nous rappelle que<br />

l'été est revenu, et que c'est le temps des ébats joyeux dans les vertes prairies. La Corriveau ne<br />

doutait point que la captive de Beaumanoir ne fût Mlle de Saint-Castin. Le souvenir de la<br />

rencontre d'une jeune blanche et des Abénaquis, dans le bois de Saint-Vallier, et des questions<br />

qu'elle lui adressa au sujet de l'intendant, la confirma dans son opinion. Elle résolut d'envoyer sa<br />

complice nouvelle au château, sous prétexte de faire une visite à dame Tremblay, mais en réalité<br />

pour qu'elle pût lui préparer les voies à elle-même, et la mettre en communication avec la<br />

captive.<br />

Si Caroline se décidait à admettre la Corriveau dans sa chambre privée, et à lui<br />

accorder un peu de confiance, le reste irait bien. Elle dit cela avec une satisfaction singulière,<br />

la Corriveau, que le reste irait bien. Puis, ce ne serait pas Mlle des Meloises qui pèserait l'or...<br />

le prix du sang! Une fois le crime consommé, elle verrait! Elle allait devenir toute puissante et<br />

terriblement redoutable, la sorcière de Saint-Vallier. Elle serait riche enfin, très riche! Mlle<br />

des Meloises partagerait bien sa fortune avec elle, plutôt que de s'exposer aux conséquences<br />

d'une trahison. Si la mort de cette recluse doit être pour elle un élixir de vie, pour la<br />

Corriveau, elle sera la pierre de touche de la fortune.<br />

Le lendemain, mère Malheur se rendait à Beaumanoir. Elle portait, pour Mlle de Saint-<br />

Castin, une lettre d'une écriture italienne. Marie Exili avait enseigné l'écriture à sa fille.<br />

Les personnes qui savaient écrire étaient assez rares à cette époque, surtout parmi le<br />

peuple. Aussi les gens s'étonnaient assez de trouver cet art chez la Corriveau, et ils<br />

supposaient charitablement qu'elle l'avait appris du diable, tout comme elle avait appris de lui<br />

à les ensorceler.<br />

Mère Malheur pressentait une cordiale réception. Il y aurait sans doute: tasse de thé<br />

agrémenté d'eau-de-vie, évocation des souvenances court vêtues. Elle fit donc sa grande<br />

toilette: une coiffe avec large dentelle, un chapeau pointu, des boucles d'oreilles, des souliers<br />

avec boucles de cuivre, un jupon court et des bas rouges.<br />

231

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!