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Undaunted

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Et il jeta les morceaux de ce texte qu’un coup de vent<br />

emporta dans les flots vifs de l’Isère.<br />

À Montélimar au soleil couchant, l’Empereur eut une longue<br />

discussion avec le sous-préfet, M. Gaud de Rousillac : il entrait<br />

en territoire hostile et regretta d’avoir congédié son escorte de<br />

chasseurs à Nevers. Le Midi avait l’âme royaliste depuis<br />

toujours. Il l’avait oublié, pourtant il le savait. Au lendemain de<br />

Thermidor, les habitants de Tarascon avaient précipité soixante<br />

républicains par-dessus les murailles du château ; à Aix ou à<br />

Nîmes, des Provençaux avaient égorgé sans distinction les<br />

occupants des prisons ; des loups revenaient attaquer les<br />

hameaux ; des bandes armées, composées de déserteurs,<br />

marchaient la nuit et pillaient la région des Alpilles aux Landes.<br />

Des Marseillais apprenaient le russe pour parler à leurs<br />

libérateurs parce que Souvorov remontait alors de Milan vers<br />

les Alpes. Napoléon avait connu cette époque. Il crut la<br />

retrouver à Donzère qui fêtait la Restauration. « À bas le tyran !<br />

Vive le roi ! » criait-on au passage éclair des voitures frappées<br />

de l’aigle. Voulant s’épargner les quolibets et éviter des coups de<br />

fusil, l’Empereur s’établit dans la calèche du commissaire<br />

autrichien, le général Koller ; il lui demanda :<br />

— Votre postillon peut-il fumer ?<br />

— Sans doute, mais pas s’il transporte Votre Majesté.<br />

— Justement si ! Cette familiarité prouvera que je ne suis pas<br />

à bord de votre voiture, et puis vous, tiens, si vous chantiez ?<br />

Vienne est la capitale de l’opéra, non ?<br />

— Sire, je chante atrocement faux…<br />

— Eh bien sifflez ! Tout le monde sait siffler ! Montrez de<br />

l’irrespect, que diable, pour cacher ma présence !<br />

Le général Koller s’efforça de siffloter du Mozart qu’on ne<br />

pouvait reconnaître tant il l’estropiait. Napoléon se renfrogna<br />

dans un coin de la banquette et fit semblant de dormir quand ils<br />

roulèrent dans les rues d’Orange. Il fallut cependant s’arrêter au<br />

relais de poste à la sortie de la ville, et changer les chevaux. Un<br />

drapeau à fleurs de lys pendait au toit des écuries. Le comte<br />

Bertrand profita de cet arrêt forcé, pendant lequel l’Empereur se<br />

terrait, et il s’entendit avec Campbell :<br />

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