30.06.2013 Views

Undaunted

Undaunted

Undaunted

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

aux bâtiments carrés des messageries, avant les champs en<br />

friche parsemés de fermes, de hameaux et de haies. Sans cesse<br />

on entendait le canon, plus fort, plus proche.<br />

Octave se jucha sur un fût jeté en travers, il s’accouda aux<br />

sacs de terre qui couronnaient la barricade sous la porte Saint-<br />

Denis. À ses côtés, un rentier chargeait d’inoffensifs pistolets de<br />

duel ; son voisin, un apothicaire en haut-de-forme, épaulait son<br />

fusil de chasse en grognant : « Ils vont la goûter, ma tisane, les<br />

bougres ! » Au loin, des colonnes de fumée noire s’élevaient des<br />

villages bombardés au pied des collines. Des hommes arrivaient<br />

en troupeau sur la route, ils portaient des uniformes roussis,<br />

cochonnés par la boue, la cendre et la poudre, le front barré de<br />

linges sanglants, portant des moribonds sur des civières, un<br />

drap, un manteau attaché à des branches.<br />

Octave et des volontaires sautèrent de leur barricade et les<br />

aidèrent à la franchir, soulevant à bout de bras les blessés qui<br />

râlaient. Les plus atteints étaient couchés aussitôt sur une<br />

prolonge d’artillerie à laquelle s’attelaient des costauds, pour les<br />

conduire vers un hôpital, s’ils en trouvaient un capable de les<br />

héberger. Les autres soldats se retrouvaient dans des<br />

ambulances improvisées sous les entrées des portes. Octave y<br />

amena un brigadier très moustachu, anneau d’or à l’oreille, le<br />

regard vide ; il le confia à ces femmes qui déchiraient en<br />

lanières leurs tabliers et leurs fichus pour confectionner des<br />

compresses ou des pansements.<br />

— Ils sont trop, répétait le brigadier.<br />

— Les Prussiens ? Les Russes ?<br />

— Ils sont trop. Plus on en tue plus il en revient…<br />

À cet instant, un cavalier déboucha du boulevard<br />

Poissonnière. Il n’avait plus de casque mais à sa veste verte, au<br />

fanion rouge et blanc de sa lance, Octave reconnut un chevauléger.<br />

L’homme poussait sa monture dans la foule, renversant<br />

hommes et femmes sur son passage. Il était ivre et hurlait :<br />

« Sauve qui peut ! » Cela créa un mouvement de panique, un<br />

recul dans les rues qui descendaient vers la Seine. Peu après, un<br />

obus tomba au milieu de la chaussée, et les belles dames comme<br />

les badauds sans armes s’égaillèrent à la recherche d’un abri ;<br />

on courait partout et n’importe où, on criait ; de nouveaux<br />

29

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!