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eniement avec l’état-major allié qui avait su le flatter. Les<br />
hommes avaient obéi parce que les généraux avaient menti :<br />
« L’armée attaquera dès l’aube, nous devons la couvrir. » Ainsi<br />
dupés, les régiments s’étaient mis en route mais dans la<br />
mauvaise direction. Certains s’en étaient aperçus, comme ce<br />
capitaine des cuirassiers que Belliard avait emmené chez<br />
l’Empereur : il s’était échappé à travers les cultures et avait<br />
couvert les huit lieues qui le séparaient de Fontainebleau. La<br />
défection une fois connue, Napoléon n’avait pas réagi. Audehors,<br />
sa Garde en fureur tempêtait dans la ville ; des<br />
émissaires l’avaient averti que la faible division du général<br />
Lucotte, un incorruptible, lui restait acquise, que les cavaliers<br />
polonais de l’arrière-garde, un escadron, avaient refusé de<br />
suivre le mouvement suspect ; que Mortier demandait des<br />
instructions, qu’il étirait son corps d’armée jusqu’à Corbeil afin<br />
de protéger Fontainebleau.<br />
Puis l’Empereur s’était couché.<br />
Il n’était pas levé, en fin de matinée, lorsque Caulaincourt,<br />
les traits bouleversés, sortit d’une calèche qui venait de Paris. Le<br />
duc se précipita vers les appartements de l’entresol, se cogna au<br />
premier valet :<br />
— Je dois voir immédiatement l’Empereur !<br />
— Mais il dort…<br />
— Ça m’est égal ! Réveillez-le, monsieur Constant, réveillezle<br />
!<br />
Comme le valet de chambre n’osait pas une pareille<br />
familiarité, Caulaincourt entra sans hésiter dans la chambre et,<br />
de sa main rude, secoua le dormeur jusqu’à ce qu’il ouvre ses<br />
yeux encapotés et soupire :<br />
— Ah ! Caulaincourt…<br />
Très dépeigné, le teint jaune, bouffi, l’Empereur se dressa<br />
péniblement contre ses oreillers, puis il s’assit au bord du lit, les<br />
pieds sur l’escabeau qui permettait d’y grimper. Constant<br />
accourut, il lui chaussa ses vilaines pantoufles rouges, l’aida à<br />
enfiler une robe de chambre tandis que Caulaincourt lui relatait<br />
sa malheureuse mission ; il lui expliquait comment le tsar<br />
Alexandre avait changé de sentiments en apprenant la défection<br />
du 6 e corps d’armée, comment il rejetait la régence qu’il<br />
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