You also want an ePaper? Increase the reach of your titles
YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.
— Ah oui…<br />
— Eh bien déployez-la, elle nous sera utile. Ah ! Sénécal, je<br />
parie que notre grand maréchal est moribond ? Tant pis pour<br />
lui ! Le capitaine nous invite à sa table, vous le remplacerez.<br />
Sur le tillac, les matelots arrêtaient de raccommoder les<br />
voiles ou de nettoyer leurs fusils et ils se mettaient en file pour<br />
toucher leurs rations, puis ils repartaient s’accroupir avec une<br />
gamelle de chocolat.<br />
— Depuis quand vos hommes ont-ils du cacao et du sucre,<br />
monsieur Ussher ?<br />
— Ils vous le doivent, sire (Il prononçait seûr.) Votre blocus<br />
nous a empêchés d’en vendre sur le continent alors ils en<br />
profitent.<br />
— Ils doivent penser que j’ai eu raison de vous fermer nos<br />
ports, n’est-ce pas ?<br />
Il plaisanta jusqu’à la salle à manger des officiers, où il fut<br />
seul avec le captain à se régaler. Il bavardait sur le commerce<br />
anglais, la marine, la discipline qui avait toujours manqué aux<br />
hommes de sa flotte. Au dessert il ajouta quelques piques à<br />
propos des Bourbons, sur un ton de moquerie :<br />
— Pauvres diables ! Ils se contentent de retrouver leurs<br />
châteaux, mais s’ils ne soutiennent pas ces manufactures que<br />
j’ai créées, ils seront chassés dans six mois ! À Lyon, dans les<br />
régions du Centre où j’ai encouragé les manufactures, le peuple<br />
m’a fêté. Vous vous en souvenez, Campbell ?<br />
— Oh oui…<br />
Ils parlèrent ensuite de l’Espagne qui, disait l’Empereur,<br />
ferait bien de bombarder Gibraltar jour et nuit pour en déloger<br />
les Anglais.<br />
— Vous avez bien envahi cette péninsule, lui répondit un<br />
Campbell un peu choqué.<br />
— Oui, pour abolir l’inquisition, les droits féodaux et les<br />
privilèges de certaines classes.<br />
— À Madrid, à Saragosse, on ne l’a pas compris.<br />
— Je ne suis pas toujours compris, Campbell.<br />
Ainsi passait la vie à bord, en discussions de bonne<br />
compagnie où l’on pouvait tout se dire, en promenades<br />
monotones sur le pont, en interminables stations à inspecter la<br />
134