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Undaunted

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— J’ai pas envie qu’on me le vole, je préfère te le donner. Je<br />

dois partir cette nuit sans retourner rue Saint-Sauveur, tu<br />

comprends ?<br />

— Je comprends pas, mais pourquoi moi ?<br />

— Parce que je t’ai rencontrée, Rosine, et que je te dois bien<br />

ça.<br />

— Ton or, y’en a beaucoup ?<br />

— Assez pour t’installer.<br />

— Ouvrir une boutique de mode ?<br />

Le retour de Semanow les interrompit.<br />

Encadré par des lanciers comme un prisonnier, Octave<br />

suivait les quais au grand trot sur une jument prussienne.<br />

Semanow guidait la troupe et réglait son allure. Pour gagner la<br />

route de Versailles, sur la rive gauche, les cavaliers tournèrent<br />

au pont de la Concorde. L’établissement des bains était<br />

illuminé ; l’imposante construction en bois flottait sur l’eau,<br />

avec ses deux cents baignoires à trente sous, ses orangers en<br />

pots autour de la terrasse qui surplombait le fleuve ; des<br />

silhouettes s’y profilaient aux flambeaux dans un tintamarre de<br />

rires et de chants. De l’autre côté de la Seine, la troupe de<br />

Semanow continua son chemin aux lumières des campements<br />

alliés. Trop nombreuses pour s’installer dans les quartiers du<br />

centre, les armées bivouaquaient à la périphérie jusque dans la<br />

campagne. Les soldats avaient transformé des tonnelles en<br />

tentes confortables. Ici, des cosaques avaient monté leurs huttes<br />

en retenant des bottes de paille entre leurs lances croisées,<br />

ailleurs des fantassins berlinois se vautraient dans l’herbe<br />

autour de leurs chaudrons de soupe. La guerre n’avait pas<br />

touché l’ouest parisien, aucun volet déchiqueté ne pendait aux<br />

fenêtres, aucun arbuste n’avait été fauché par la mitraille<br />

comme à Belleville. Au contraire, dans chaque village les<br />

fermiers et les bourgeois se mêlaient aux militaires pour fêter la<br />

paix. Ils avaient dressé des tables sur des tonneaux, la peau des<br />

moutons grésillait sur les broches, des jeunes paysannes<br />

dansaient une farandole avec les hussards. Semanow arrêta ses<br />

hommes au seuil d’un gros bourg et dit à Octave :<br />

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