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Undaunted

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Avec son allure italienne, les tons pastel de ses maisons<br />

suspendues dans un amphithéâtre de roche, Porto Ferraio, de<br />

loin, avait du charme. Octave s’y plaisait déjà. Le ciel était d’un<br />

bleu uni, l’eau translucide, des silhouettes s’agitaient sur le<br />

môle. Comme il n’avait jamais voyagé, Octave pressentait des<br />

découvertes, des langueurs, une joie. Il était assis dans la<br />

chaloupe à côté de Campbell et derrière le général Drouot,<br />

debout à la proue. La veille, en mer, un pêcheur avait renseigné<br />

les passagers de l’<strong>Undaunted</strong> sur la brutalité des Elbois ; ils<br />

avaient brûlé l’effigie de Napoléon, comme en Provence, et tué<br />

des Français ; leur hostilité restait vive, même si les Anglais<br />

tentaient désormais de calmer les provocateurs qu’ils avaient<br />

créés. Mis au courant de ce climat néfaste, l’Empereur<br />

n’acceptait de descendre à terre que si les problèmes de sécurité<br />

étaient résolus. Octave partait donc en mission avec la<br />

délégation que menait Drouot, mais pour rôder en ville et<br />

analyser de près les mœurs de ce peuple farouche. La chaloupe<br />

approcha du quai dans le clapotis régulier des rames. Octave<br />

contemplait le paysage avec ravissement. Les couleurs tendres,<br />

la douceur de l’air le rendaient naïf : comment la violence,<br />

pensait-il, pourrait éclater dans un endroit si proche du<br />

paradis ? Il sauta bientôt sur le débarcadère, tandis que<br />

Dalesme et Drouot se donnaient l’accolade en vieux complices<br />

de cent batailles. Alors ses impressions se modifièrent. De près,<br />

Porto Ferraio semblait tout de même assez pouilleuse. Des<br />

bâtisses décrépites, levées de guingois, escaladaient l’envers des<br />

remparts qu’elles dépassaient, et des fenêtres s’ouvraient sur le<br />

chemin de ronde. Des touffes d’aloès aux feuilles biscornues<br />

poussaient entre les créneaux, donnaient des fleurs rouge<br />

obscur ou jaune sale qui saturaient l’atmosphère de senteurs<br />

lourdes et vous écœuraient, sous la chaleur, en se mêlant aux<br />

effluves de goudron, de vase, de poisson. C’était pire lorsqu’on<br />

quittait le quai pour la ville. Passé la Porte de Mer, les façades<br />

de la rue San Giovanni suintaient, la peinture autrefois rose<br />

tombait par écailles, quelques volets pistache pendillaient, à<br />

moitié décrochés. Des rigoles d’eaux usées sortaient des ruelles<br />

adjacentes, coulaient, confluaient au milieu de la chaussée,<br />

fermentaient au grand soleil, se formaient en flaques<br />

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