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— J’ai avec moi un général prussien qui me croit une autorité<br />
supérieure : il va nous servir de caution.<br />
— Bravo ! bravo ! bravo !<br />
Les membres du Comité encore présents chez Lemercier<br />
s’étaient levés et ils applaudissaient comme on le fait au théâtre<br />
à l’issue d’un acte décisif. La Grange, à la limite de l’exaltation,<br />
poursuivait sur sa lancée :<br />
— Je vais dans les mairies d’arrondissement préparer avec<br />
notre Prussien les logis des souverains et de leurs suites, venez<br />
avec moi, allons annoncer que les alliés ont reconnu<br />
Louis XVIII !<br />
Comme il y avait trop de volontaires pour tenir dans la<br />
voiture, d’où les conjurés jetteraient des cocardes royalistes par<br />
poignées aux passants, Octave saisit ce prétexte : il irait de son<br />
côté chez le comte de Sémallé et lui raconterait leur équipée du<br />
petit matin ; La Grange l’approuva, monta à son tour dans la<br />
berline du véritable préfet en se serrant contre le baron Plotho<br />
qui riait d’un pareil enthousiasme. La berline s’en alla avec son<br />
escorte de dragons bleu ciel, eux-mêmes surpris par cet accueil<br />
dans une capitale conquise. Octave partit dans l’autre sens, vers<br />
le boulevard.<br />
Il était presque dix heures et les beaux quartiers avaient<br />
retrouvé leur physionomie d’autrefois, très vite, dès que les<br />
Parisiens avaient appris la capitulation. Ils avaient tant redouté<br />
l’incendie ; La Gazette de France et Les Débats avaient relaté<br />
ces jours derniers tellement d’horreurs qu’on les sentait<br />
soulagés. La veille, les murs des maisons étaient nus et noirs de<br />
suie, ils se couvraient maintenant d’affiches multicolores,<br />
réclames pour un vaudeville, pour des concerts, des loteries, des<br />
hôteliers ou des élixirs miraculeux, mais aussi d’injures contre<br />
Napoléon, de caricatures griffonnées avec jubilation – sur celleci<br />
l’Empereur figurait à quatre pattes, les fesses dans un<br />
tambour crevé, et un général russe battait la marche avec un<br />
fouet de bouleau. La vie renaissait d’un coup, brouillonne et<br />
légère. Le boulevard se remplissait de monde. La peur s’était<br />
envolée.<br />
Octave s’approcha d’un cercle de réjouis. Ils s’amusaient de<br />
deux bourgeois en costumes râpés que malmenaient des gardes<br />
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