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Undaunted

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assuraient le service, ils posaient des pichets pleins à ras bord<br />

sur les tables, coupaient le jambon. Bertrand avait servi<br />

l’Empereur qui d’un revers de main renversa le vin.<br />

— Bertrand…<br />

— Sire ?<br />

— Faites-moi chercher mon chambertin dans votre voiture.<br />

Ici on veut m’empoisonner, je le sais.<br />

— Monsieur Hubert ! dit Bertrand d’une voix forte, apportez<br />

le chambertin de Sa Majesté !<br />

Les aubergistes en restaient la bouche ouverte. Ils venaient<br />

de comprendre que le gros bonhomme avec sa cocarde blanche,<br />

c’était le monstre dont ils souhaitaient la mort. La femme avait<br />

trop parlé, tout à l’heure, elle hésitait entre la crainte et le<br />

dégoût. Elle toisait Napoléon en vidant ses poulets, elle leur<br />

arrachait le cœur, le foie et le gésier d’un geste sec, les doigts<br />

rouges de sang, et elle voyait cet Empereur détesté, qui<br />

grignotait un quignon de pain, tressaillir quand son mari posait<br />

une volaille morte sur le billot et lui coupait le cou au tranchoir<br />

avec un bruit mat. On buvait, on se taisait, on patientait, on<br />

mâchait du jambon et du pain, la mère tournait ses broches en<br />

dévisageant le souverain déchu, les poulets cuisaient, le temps<br />

passait.<br />

— Vous entendez ?<br />

— Le mistral, sire.<br />

— Non ! Des voix, des piétinements, des roues. C’est un guetapens<br />

! Ils vont me tuer, je vous dis !<br />

— Je vais voir.<br />

Debout devant l’une des fenêtres qui donnaient sur la cour,<br />

Octave se rendit compte que les paysans de la région affluaient<br />

devant l’auberge, avec leurs familles dans des chars.<br />

L’Empereur sursautait au moindre son mais il n’avait peut-être<br />

pas tort, le convoi avait été lapidé à Lambesc, à Saint-Canat, les<br />

berlines n’avaient plus une vitre et deux postillons avaient été<br />

blessés par des pierres. Octave revint à la table :<br />

— La route est interdite par les gens des hameaux et des<br />

fermes voisines…<br />

— Attendons la nuit, dit Bertrand, qu’ils décampent.<br />

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