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Undaunted

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centaine, rangés en file, qu’on allait diriger vers le fort de<br />

l’Étoile où ils feraient viser leurs passeports par les services de<br />

Cambronne ; quelques-uns redescendraient à la mairie solliciter<br />

une audience de l’Empereur. Ce matin, aux yeux d’Octave, ils<br />

ressemblaient tous à des criminels possibles, des stipendiés du<br />

chouan. Ce bonhomme habillé en bourgeois portait-il un stylet<br />

dans sa botte cirée ? Cette femme ne cachait-elle pas une lame<br />

dans le manche de son ombrelle ? À des signes imperceptibles<br />

mais dérangeants, Octave cherchait à déceler le détail qui ne<br />

collait pas au personnage ; un matelot distingué devenait illico<br />

suspect, et ce gros, pourquoi était-il en sueur ? L’été était fini.<br />

Avait-il une appréhension avant de commettre son forfait ?<br />

Octave écouta le douanier qui le questionnait. L’homme se<br />

prétendait génois et marchand de bois. Y avait-il des forêts du<br />

côté de Gênes ? En avait-il l’accent ? Un sous-officier de la<br />

Garde s’approcha d’Octave :<br />

— On a tout chargé, monsieur Sénécal.<br />

— Eh bien nous y allons.<br />

Octave s’éloigna comme à regret de ces touristes qui lui<br />

semblaient dangereux comme des vipères. En chemin il aperçut<br />

le marchand d’huile et le lieutenant Taillade : ils entraient au<br />

Buono Gusto en riant, ce qui renforça ses craintes. Pour se<br />

rassurer, il serra plus fort sa canne, par le milieu, comme un<br />

gourdin.<br />

L’Empereur avait le visage enfariné, la bouche maquillée, un<br />

costume de cirque découpé dans du papier aux couleurs<br />

criardes. Les yeux bandés, il courait en s’essoufflant entre les<br />

tamarins et les lauriers-roses du jardin. Les jolies amies de<br />

Pauline, lectrices, habilleuses, déguisées en sylphides ou en<br />

colombines, l’évitaient en poussant des petits cris amusés. Il en<br />

avait attrapé une par le bras et l’attirait contre lui, il la retenait<br />

prisonnière, elle faisait mine de se débattre et protestait avec un<br />

petit rire gloussant, mais l’Empereur voulait approcher ses<br />

lèvres des siennes, elle tournait la tête dans tous les sens, il lui<br />

barbouillait les joues du rouge qui lui dessinait une large bouche<br />

comique, et il s’exclamait : « C’est Charlotte ! Je suis sûr que<br />

c’est Charlotte ! » sous les battements de mains des autres<br />

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