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Undaunted

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qu’ils voulaient brancher. Ça y est. Des furieux se précipitent sur<br />

la dormeuse qui ouvre la marche, lancée à vive allure. Des<br />

grands diables attrapent les chevaux par les mors pour les<br />

immobiliser, les animaux écument, hennissent, se cabrent,<br />

secouent les harnais et l’attelage vacille, ils frappent des fers le<br />

sol poudreux. Les postillons manient leurs fouets pour<br />

décramponner les paysans qui assaillent de partout, en grappes,<br />

jetant des malédictions et des menaces de mort dans un patois<br />

qu’il n’est pas nécessaire de traduire, tant la haine déforme leurs<br />

visages rissolés par la chaleur du Sud. La dormeuse de<br />

Bertrand, ils s’y ruent le bâton levé, lancent des grosses pierres<br />

coupantes qui cabossent la caisse et brisent les dernières vitres.<br />

L’Empereur et Octave continuent d’avancer mais au trot,<br />

puisque les sauvages d’Orgon laissent courir les deux supposés<br />

éclaireurs aux cocardes blanches. Octave dégrafe sa ceinture et<br />

cingle la croupe du cheval de poste sur lequel se tasse un<br />

Napoléon en sueur. L’animal emballé s’échappe tout droit.<br />

Octave se tourne sur sa selle : des mégères tirent au-dehors le<br />

malheureux Loisellier dans son uniforme flottant, elles le<br />

confondent avec l’Empereur dont il a pris l’image, elles le<br />

tiennent au collet, elles le rudoient, arrachent les décorations de<br />

son habit et envoient en l’air son bicorne comme une balle. Il<br />

voit encore le colonel Campbell qui fait des grands gestes et<br />

apostrophe les harpies, puis il pique les flancs de sa monture<br />

pour rejoindre l’Empereur. Il cavale en plein soleil, sur la route<br />

d’Aix.<br />

Le mistral se lève. Il gifle de biais les deux cavaliers qui<br />

foncent dans des tourbillons de poussière. Le nez sur des<br />

crinières que le vent remue, Octave et l’Empereur doublent sans<br />

les voir des forêts de pins, des amas de rochers, des fermes<br />

isolées dans un désert de caillasses ; ils descendent et montent<br />

des pentes raides, risquent cent fois de se briser le cou. La route<br />

se rétrécit. Ils franchissent l’un derrière l’autre la gorge qui<br />

s’ouvre dans le roc de Valbonette, traversent Lambesc, longent<br />

des prairies, des champs d’oliviers gris. Ils sont obligés de<br />

relayer à Saint-Canat mais ne s’y attardent pas, ils en repartent<br />

l’estomac creux, à bride abattue sur des chevaux neufs. Plus de<br />

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