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ces voyous et menacer les passants, du coup les Russes en<br />
avaient interdit l’approche… Même les propositions de<br />
Caulaincourt, qui cherchait à le sauver, Napoléon les<br />
dédaignait : eh quoi ? il lui proposait d’abdiquer en faveur du<br />
roi de Rome ? L’Empereur en parlait quand son maître d’hôtel<br />
lui servit sa tasse de café quotidienne :<br />
— La régence est un leurre, Bertrand, vous m’entendez ?<br />
— Oui, sire, je vous entends : un leurre.<br />
— Le duc de Vicence est dévoué mais ça, il ne le saisit pas !<br />
Mon fils est un enfant, l’impératrice n’y connaît rien aux<br />
affaires. La vérité, c’est que nos adversaires veulent que je<br />
disparaisse, Bertrand, parce qu’ils se savent perdus, sans<br />
munitions, pris au piège dans Paris ! À qui peuvent-ils se fier,<br />
hein ? Ils sont nombreux, peut-être, mais divisés. Moi j’ai la<br />
Garde, Bertrand, la Garde dont la seule vue les effraie. Ma<br />
Vieille Garde s’étire jusqu’à Étampes. Les régiments d’Oudinot<br />
et de Gérard sont arrivés, la cavalerie de Macdonald est à<br />
Melun. Marmont tient Essonnes et Corbeil, avec Mortier plus à<br />
l’ouest.<br />
Le duc de Bassano entra au moment où l’Empereur<br />
terminait son café. Il avait reçu une réponse du préfet Pasquier,<br />
auquel il avait envoyé un billet : un homme de la campagne<br />
avait contourné les lignes autrichiennes par des chemins<br />
forestiers. Il annonça à l’Empereur que le Sénat avait prononcé<br />
sa déchéance, que des généraux s’apprêtaient à rallier le<br />
nouveau gouvernement. Comme Napoléon ne sourcillait pas, le<br />
duc s’interrompit et le regarda, mais sur un signe il continua sa<br />
lecture :<br />
— On assure qu’il y a plusieurs projets d’approcher<br />
l’Empereur et que, dans le nombre des individus qui se livrent<br />
à cette pensée, il y a plusieurs Jacobins. Les banquiers offrent<br />
douze millions…<br />
L’Empereur tendit la main, prit la lettre, reconnut l’écriture<br />
de Pasquier, haussa les épaules :<br />
— Ce n’est pas la première fois qu’on veut m’approcher<br />
comme l’écrit ce bon Pasquier avec des précautions. Vous<br />
souvenez-vous, monsieur le duc, de cet ancien fumiste des<br />
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