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— Savez-vous combien de dangers et de chagrins vous<br />
attendent sur vos lits de duvet ?<br />
L’Empereur va s’asseoir derrière un petit guéridon d’acajou<br />
sur lequel le duc de Bassano a disposé des plumes, de l’encre, du<br />
papier. Blême, d’une main nerveuse, Napoléon écrit un texte<br />
médité ; l’encre gicle sur le papier, que la plume griffe. Il rature<br />
le mot nation, le remplace par France :<br />
— Lisez !<br />
Il tend le papier à Ney, mais ce gribouillage n’est pas<br />
aisément lisible, et Bassano lit à sa place :<br />
Les puissances alliées, ayant proclamé que l’Empereur Napoléon<br />
était le seul obstacle au rétablissement de la paix en Europe,<br />
l’Empereur, fidèle à son serment, déclare qu’il renonce pour lui et<br />
ses héritiers aux trônes de France et d’Italie, et qu’il n’est aucun<br />
sacrifice personnel, même celui de la vie, qu’il ne soit prêt à faire<br />
aux intérêts de la France.<br />
Ney et Macdonald qui n’y croyaient plus, enfin soulagés,<br />
s’approchèrent de l’Empereur avec empressement, ils lui prirent<br />
les mains pour les serrer :<br />
— Sire ! jamais vous n’avez été plus grand !<br />
Ney en profita, ce même jour, et il demanda une forte<br />
somme d’argent au monarque qu’il avait contribué à vendre ; il<br />
l’obtint.<br />
Les maréchaux repartirent dès le soir pour arranger un traité<br />
honorable avec les vainqueurs, en échange de l’abdication, et<br />
défendre au mieux les intérêts de Napoléon, de sa femme, de<br />
leur fils, de l’armée et des serviteurs de l’Empire. Octave les vit<br />
s’en aller comme il rentrait au palais, après s’être informé<br />
auprès du cordonnier Boiron des intentions du parti royaliste :<br />
Maubreuil semblait avoir renoncé à son projet de meurtre, il<br />
avait disparu. À Fontainebleau, l’ambiance fiévreuse des<br />
derniers jours était retombée. Le château se dépeuplait et<br />
Octave le trouva soudain immense. Dans les galeries désertes,<br />
parfois, il croisait des ombres, personne n’osait un commentaire<br />
ni un salut, chacun songeait à son proche départ en échafaudant<br />
des prétextes nobles et crédibles, la maladie d’un parent, des<br />
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