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Undaunted

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poussières, la peinture, le ciment humide, les coups de marteau,<br />

le chant des rossignols. Pour accélérer la cadence, il prêtait la<br />

main aux tâches les plus ingrates. Octave l’avait vu manier la<br />

pioche et salir de terre ses culottes blanches, il l’avait vu manger<br />

un œuf dur assis sur un monceau de gravats, et trinquer avec les<br />

ouvriers qui badigeonnaient la façade en rose. Par souci<br />

d’économie, Napoléon avait lancé une razzia sur le palais de<br />

Piombino, qu’on apercevait à la jumelle de la terrasse des<br />

Mulini : Élisa, duchesse de Toscane, cette sœur qui l’avait trahi,<br />

y avait abandonné son mobilier en fuyant les Autrichiens. Avec<br />

la complicité amusée des marins anglais, un fourrier avait réussi<br />

à embarquer la totalité des meubles ; il avait même démonté les<br />

parquets de sycomore et les jalousies des fenêtres. Voici<br />

pourquoi des tabourets blanc et or, des tables de nuit à cylindre<br />

s’accumulaient en désordre, à côté des échelles et des pots de<br />

couleurs, sur le carrelage rouge carmin des trente pièces. Dans<br />

celle qui servirait bientôt de bibliothèque, Octave referma son<br />

carnet sur les détails insignifiants de cette existence plus<br />

bohème qu’impériale. Il regardait par la baie vitrée. Dehors,<br />

deux gardes nationaux elbois posaient une statue de Minerve<br />

sur un socle à peine sec. L’un des sous-officiers anglais qui<br />

assurait le service de la maison vint à ce moment annoncer à<br />

l’Empereur l’arrivée d’un visiteur ; M. Pons apparut peu après.<br />

Octave devinait sans effort la teneur de la conversation aux<br />

gestes et aux mimiques. Napoléon toisait l’administrateur des<br />

mines. Celui-ci se tenait droit comme un sabre ; il devait<br />

répliquer sèchement aux questions ou aux ordres de<br />

l’Empereur, qui en était visiblement irrité puisqu’il éructait, se<br />

tordait la bouche, gesticulait, mais la scène fut courte, M. Pons<br />

tourna le dos et s’en alla tandis que Sa Majesté distribuait des<br />

furieux coups de botte dans le parapet, sous le regard effaré de<br />

l’ingénieur Bargigli. Octave passa dans la chambre de Napoléon<br />

que remplissait le lit d’Élisa Bonaparte, aux montants de bois<br />

hérissés de griffes et de becs dorés ; de là, par l’antichambre au<br />

bas de l’escalier, il sortit du côté de la rue et se trouva nez à nez<br />

avec M. Pons, blême, rageur, la mâchoire crispée, qui quittait les<br />

Mulini d’un bon pas. Octave l’aborda :<br />

— Je vous ai entrevu dans le jardin…<br />

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