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Undaunted

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enverraient un émissaire, et qu’il serait obligé de leur livrer des<br />

informations vérifiables pour rester crédibles. Il zyeutait les<br />

étrangers, soupçonnait en chacun d’eux un agent néfaste, voire<br />

un tueur, et ce qui-vive permanent l’épuisait autant qu’il lui<br />

donnait une raison d’être auprès de Napoléon. En fin de<br />

matinée, quand les navires avaient déversé leur contingent de<br />

touristes, il avait l’habitude d’entrer à la taverne du Buono<br />

Gusto pour s’informer. Il ouvrait ses oreilles. Il engageait<br />

parfois une conversation banale avec ceux qui savaient le<br />

français. La rue du Grand-Rempart avait été repavée, des tables<br />

installées devant la salle toujours comble. Le patron avait acheté<br />

la maison de ses voisins pour y louer des chambres à des prix<br />

excentriques ; celui-là, il ne se plaignait pas de Sa Majesté, oh<br />

non, et Gianna non plus. D’autres filles l’aidaient, dont sa sœur ;<br />

avec leurs jupettes de couleur, elles émoustillaient sans efforts<br />

les clients. Octave chercha une place assise et n’en trouva pas. Il<br />

s’approcha de Gianna qui bavardait en dialecte avec des<br />

Toscans. Elle avait des souliers, un bracelet très brillant au<br />

poignet.<br />

— D’où te vient ce bijou ?<br />

— Oun plou gentile qué tu.<br />

— Oh ? tu t’essaies au français, Gianna ?<br />

— Jé l’appris d’oun officié.<br />

— Ou de plusieurs, pas vrai ?<br />

— Lascia me !<br />

Octave redescendit vers les quais en bougonnant. Les<br />

prédictions de M. Pons concernaient même les filles du port ;<br />

l’argent des marins et des étrangers semblait facile, il ne<br />

reverrait plus Giana sans lui offrir des cadeaux, mais cette<br />

vénalité lui ôtait du charme, ou l’illusion qu’elle l’aimait bien,<br />

comme ça, pour lui. « L’air de Porto Ferraio, disait<br />

l’administrateur des mines, deviendra aussi vicié que celui du<br />

château de Versailles, vous verrez ! » Octave voyait en effet,<br />

mais les jérémiades n’étaient pas son fort et il s’intéressa tout de<br />

suite au débarquement d’une frégate napolitaine arrivée la veille<br />

au soir. Des colis s’amoncelaient devant un peloton de<br />

grenadiers de la Garde, méfiants, qui renforçaient le contingent<br />

des douaniers. Cela aussi avait changé. Cambronne avait réussi<br />

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