issues of linguistics - Tbilisi State University

Il est intéressant de constater que cette préposition est celle qui sert aussi à
désigner un bénéficiaire, ex.:
(10) Je travaille pour toi.
– et même un motif ou une cause dans des expressions comme pour cette raison,
qui a le même sens que avahyarâdiy en vieux-perse, ou pourquoi, qui est formé
exactement de la même façon que cê rây en moyen-perse et čerâ en persan. Cette
similitude n’est pas fortuite.
Considérons maintenant l’emploi temporel de –râ. Il n’est pas très éloigné
du troisième, l’emploi thématique. L’exemple (3) pourrait aussi se traduire "Pour
ce soir, nous resterons à la maison". Il n’est pas exactement équivalent à la même
phrase sans -râ:
(11) emšab manzel mimânim
"Ce soir, nous resterons à la maison"
La phrase (3) signifie que nous serons à la maison toute la soirée; elle exclut
que nous soyons à la maison seulement un moment pendant la soirée. Elle signifie
proprement "Nous passerons la soirée à la maison", ce qui n’implique
nécessairement la phrase (11). Dans la phrase (3), emšab-râ n’est simplement une
indication temporelle, une mention du temps au cours duquel le procès aura lieu:
elle signifie que le procès occupera la totalité du temps indiqué. Voici un autre
exemple peut-être plus clair emprunté à l’écrivain Sâdeq Hedâyat:
(12) tasmim gerefte budam … se ruze ta’til-râ jâ-ye denj-i peydâ
bokonam barâ-ye xod-am lam bedaham
"J’avais décidé de trouver un coin tranquille où me prélasser pour
les trois jours de vacances"
Naturellement, il ne s’agit pas de prélasser pendant un moment quelconque
choisi au cours de ces trois jours, mais bien de passer les trois jours entiers à se
prélasser.
Il y a plus. Dans l’exemple (4), in daf’e-râ n’indique pas exactement une
durée, mais une circonstance. Ici encore on doit traduire "pour cette fois". Le sens
est clairement que le pardon est accordé pour cette fois seulement. Autrement dit,
non seulement il concerne la circonstance présente, mais il est limité à cette
circonstance. Nous voyons donc que ces complément de temps comportant –râ
implique à la fois que le procès concerne la totalité du temps concerné (s’il y a une
durée) et qu’il y est limité.
Cette idée d’extension limitée s’applique aussi à l’emploi thématique de –râ, si
on prend le terme "extension" dans un sens non seulement temporel, mais général.
Voyons en effet quelle est la fonction, dans n’importe quelle langue, d’un terme
thématique jeté en tête. C’est d’indiquer en quoi et jusqu’à quel point l’énoncé qui
suit est valable. Cela est bien clair dans le cas de notre exemple (9) en français. Le
refus exprimé est valable pour moi et pour moi seul. Ce n’est par hasard qu’un
terme thématisé est, en français, souvent introduit par quant à. Cette expression
vient du mot latin quantum "combien", qui est bien un terme quantitatif: il exprime
une mesure, c’est-à-dire une extension et une limite. "Quant à cette fille" signifie:
ce que j’ai à dire concerne cette fille et seulement elle, c’est la mesure de mon
propos, le champ (limité) auquel il s’applique.
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