11.07.2015 Views

La Chartreuse de Parme STENDHAL - livrefrance.com

La Chartreuse de Parme STENDHAL - livrefrance.com

La Chartreuse de Parme STENDHAL - livrefrance.com

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

étour<strong>de</strong>rie. L'homme qui lui touchait le bras gauche, lui voyant l'air tout effaré, lui diten forme d'excuse:- Mais j'ai appelé monsieur trois fois, sans qu'il répondît; monsieur a-t-il quelquechose à déclarer à la douane?- Je n'ai sur moi que mon mouchoir; je vais ici tout près chasser chez un <strong>de</strong> mesparents.Il eût été bien embarrassé si on l'eût prié <strong>de</strong> nommer ce parent. Par la gran<strong>de</strong> chaleurqu'il faisait et avec ces émotions Fabrice était mouillé <strong>com</strong>me s'il fût tombé dans le Pô.Je ne manque pas <strong>de</strong> courage entre les <strong>com</strong>édiens, mais les <strong>com</strong>mis ornés <strong>de</strong> bijoux<strong>de</strong> cuivre me mettent hors <strong>de</strong> moi; avec cette idée je ferai un sonnet <strong>com</strong>ique pour laduchesse.À peine entré dans Casal-Maggiore, Fabrice prit à droite une mauvaise rue qui <strong>de</strong>scendvers le Pô. J'ai grand besoin, se dit-il, <strong>de</strong>s secours <strong>de</strong> Bacchus et <strong>de</strong> Cérés, et il entradans une boutique au <strong>de</strong>hors <strong>de</strong> laquelle pendait un torchon gris attaché à un bâton;sur le torchon était écrit le mot Trattoria. Un mauvais drap <strong>de</strong> lit soutenu par <strong>de</strong>uxcerceaux <strong>de</strong> bois fort minces, et pendant jusqu'à trois pieds <strong>de</strong> terre, mettait la porte<strong>de</strong> la Trattoria à l'abri <strong>de</strong>s rayons directs du soleil. Là, une femme à <strong>de</strong>mi nue et fortjolie reçut notre héros avec respect, ce qui lui fit le plus vif plaisir; il se hâta <strong>de</strong> lui direqu'il mourait <strong>de</strong> faim. Pendant que la femme préparait le déjeuner, entra un hommed'une trentaine d'années, il n'avait pas salué en entrant; tout à coup il se releva dubanc où il s'était jeté d'un air familier, et dit à Fabrice: Eccellenza, la riverisco (je salueVotre Excellence). Fabrice était très gai en ce moment, et au lieu <strong>de</strong> former <strong>de</strong>sprojets sinistres, il répondit en riant:- Et d'où diable connais-tu mon Excellence?- Comment! Votre Excellence ne reconnaît pas Ludovic, l'un <strong>de</strong>s cochers <strong>de</strong> Mme laduchesse Sanseverina? À Sacca, la maison <strong>de</strong> campagne où nous allions tous les ans,je prenais toujours la fièvre; j'ai <strong>de</strong>mandé la pension à madame et me suis retiré. Mevoici riche; au lieu <strong>de</strong> la pension <strong>de</strong> douze écus par an à laquelle tout au plus jepouvais avoir droit, madame m'a dit que pour me donner le loisir <strong>de</strong> faire <strong>de</strong>s sonnets,car je suis poète en langue vulgaire, elle m'accordait vingt-quatre écus, et M. le <strong>com</strong>tem'a dit que si jamais j'étais malheureux, je n'avais qu'à venir lui parler. J'ai eul'honneur <strong>de</strong> mener Monsignore pendant un relais lorsqu'il est allé faire sa retraite<strong>com</strong>me un bon chrétien à la chartreuse <strong>de</strong> Velleja.Fabrice regarda cet homme et le reconnut un peu. C'était un <strong>de</strong>s cochers les pluscoquets <strong>de</strong> la casa Sanseverina: maintenant qu'il était riche, disait-il, il avait pour toutvêtement une grosse chemise déchirée et une culotte <strong>de</strong> toile, jadis teinte en noir, quilui arrivait à peine aux genoux; une paire <strong>de</strong> souliers et un mauvais chapeau<strong>com</strong>plétaient l'équipage. De plus, il ne s'était pas fait la barbe <strong>de</strong>puis quinze jours. Enmangeant son omelette, Fabrice fit la conversation avec lui absolument <strong>com</strong>me d'égalà égal; il crut voir que Ludovic était l'amant <strong>de</strong> l'hôtesse. Il termina rapi<strong>de</strong>ment sondéjeuner, puis dit à <strong>de</strong>mi-voix à Ludovic: J'ai un mot pour vous.- Votre Excellence peut parler librement <strong>de</strong>vant elle, c'est une femme réellementbonne, dit Ludovic d'un air tendre.112

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!