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La Chartreuse de Parme STENDHAL - livrefrance.com

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- Je le regardais <strong>com</strong>me un petit intrigant, très digne neveu <strong>de</strong> l'illustre <strong>com</strong>tesseMosca; mais à la <strong>de</strong>rnière fois qu'il a prêché, tenez, à l'église <strong>de</strong> la Visitation, vis-à-vis<strong>de</strong> chez vous, il a été tellement sublime, que, toute haine cessante, je le regar<strong>de</strong><strong>com</strong>me l'homme le plus éloquent que j'aie jamais entendu.- Ainsi vous avez assisté à un <strong>de</strong> ses sermons? dit Clélia toute tremblante <strong>de</strong> bonheur.- Mais, <strong>com</strong>ment, dit la marquise en riant, vous ne m'écoutiez donc pas? Je n'ymanquerais pas pour tout au mon<strong>de</strong>. On dit qu'il est attaqué <strong>de</strong> la poitrine, et quebientôt il ne prêchera plus!À peine la marquise sortie, Clélia appela le Gonzo dans la galerie.- Je suis presque résolue, lui dit-elle, à entendre ce prédicateur si vanté. Quandprêchera-t-il?- Lundi prochain, c'est-à-dire dans trois jours; et l'on dirait qu'il a <strong>de</strong>viné le projet <strong>de</strong>Votre Excellence; car il vient prêcher à l'église <strong>de</strong> la Visitation.Tout n'était pas expliqué; mais Clélia ne trouvait plus <strong>de</strong> voix pour parler; elle fit cinqou six tours dans la galerie, sans ajouter une parole. Gonzo se disait: Voilà lavengeance qui la travaille. Comment peut-on être assez insolent pour se sauver d'uneprison, surtout quand on a l'honneur d'être gardé par un héros tel que le général FabioConti!- Au reste, il faut se presser, ajouta-t-il avec une fine ironie; il est touché à la poitrine.J'ai entendu le docteur Rambo dire qu'il n'a pas un an <strong>de</strong> vie; Dieu le punit d'avoirrompu son ban en se sauvant traîtreusement <strong>de</strong> la cita<strong>de</strong>lle.<strong>La</strong> marquise s'assit sur le divan <strong>de</strong> la galerie, et fit signe à Gonzo <strong>de</strong> l'imiter. Aprèsquelques instants, elle lui remit une petite bourse où elle avait préparé quelquessequins. -Faites-moi retenir quatre places.- Sera-t-il permis au pauvre Gonzo <strong>de</strong> se glisser à la suite <strong>de</strong> Votre Excellence?- Sans doute; faites retenir cinq places... Je ne tiens nullement, ajouta-t-elle, à êtreprès <strong>de</strong> la chaire mais j'aimerais à voir Mlle Marini, que l'on dit si jolie.<strong>La</strong> marquise ne vécut pas pendant les trois jours qui la séparaient du fameux lundi,jour du sermon. Le Gonzo, pour qui c'était un insigne honneur d'être vu en public à lasuite d'une aussi gran<strong>de</strong> dame, avait arboré son habit français avec l'épée; ce n'estpas tout, profitant du voisinage du palais, il fit porter dans l'église un fauteuil dorémagnifique <strong>de</strong>stiné à la marquise, ce qui fut trouvé <strong>de</strong> la <strong>de</strong>rnière insolence par lesbourgeois. On peut penser ce que <strong>de</strong>vint la pauvre marquise, lorsqu'elle aperçut cefauteuil, et qu'on l'avait placé précisément vis-à-vis la chaire. Clélia était si confuse,baissant les yeux, et réfugiée dans un coin <strong>de</strong> cet immense fauteuil, qu'elle n'eut pasmême le courage <strong>de</strong> regar<strong>de</strong>r la petite Marini, que le Gonzo lui indiquait <strong>de</strong> la main,avec une effronterie dont elle ne pouvait revenir. Tous les êtres non nobles n'étaientabsolument rien aux yeux du courtisan.Fabrice parut dans la chaire; il était si maigre, si pâle, tellement consumé, que lesyeux <strong>de</strong> Clélia se remplirent <strong>de</strong> larmes à l'instant. Fabrice dit quelques paroles, puis288

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