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La Chartreuse de Parme STENDHAL - livrefrance.com

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jeûne au pain et à l'eau tous les vendredis et toutes les veilles <strong>de</strong>s fêtes principales, lesujet étant d'une impiété notoire. Ceci pour l'avenir et pour casser le cou à sa fortune.- Écrivez, dit le prince: " Son Altesse Sérénissime ayant daigné écouter avec bonté lestrès humbles supplications <strong>de</strong> la marquise <strong>de</strong>l Dongo, mère du coupable, et <strong>de</strong> laduchesse Sanseverina, sa tante, lesquelles ont représenté qu'à l'époque du crime leurfils et neveu était fort jeune et d'ailleurs égaré par une folle passion conçue pour lafemme du malheureux Giletti, a bien voulu, malgré l'horreur inspirée par un telmeurtre, <strong>com</strong>muer la peine à laquelle Fabrice <strong>de</strong>l Dongo a été condamné, en celle <strong>de</strong>douze années <strong>de</strong> forteresse. "- Donnez que je signe.- Le prince signa et data <strong>de</strong> la veille; puis, rendant la sentence à Rassi, il lui dit:Écrivez immédiatement au-<strong>de</strong>ssous <strong>de</strong> ma signature: " <strong>La</strong> duchesse Sanseverinas'étant <strong>de</strong>rechef jetée aux genoux <strong>de</strong> Son Altesse, le prince a permis que tous lesjeudis le coupable ait une heure <strong>de</strong> promena<strong>de</strong> sur la plateforme <strong>de</strong> la tour carréevulgairement appelée tour Farnèse. "- Signez cela, dit le prince, et surtout bouche close, quoi que vous puissiez entendreannoncer par la ville. Vous direz au conseiller Dé Capitani, qui a voté pour <strong>de</strong>ux ans <strong>de</strong>forteresse et qui a même péroré en faveur <strong>de</strong> cette opinion ridicule, que je l'engage àrelire les lois et règlements. Derechef, silence, et bonsoir. Le fiscal Rassi fit, avecbeaucoup <strong>de</strong> lenteur, trois profon<strong>de</strong>s révérences que le prince ne regarda pas.Ceci se passait à sept heures du matin. Quelques heures plus tard, la nouvelle <strong>de</strong> l'exil<strong>de</strong> la marquise Raversi se répandait dans la ville et dans les cafés, tout le mon<strong>de</strong>parlait à la fois <strong>de</strong> ce grand événement. L'exil <strong>de</strong> la marquise chassa pour quelquetemps <strong>de</strong> <strong>Parme</strong> cet implacable ennemi <strong>de</strong>s petites villes et <strong>de</strong>s petites cours, l'ennui.Le général Fabio Conti, qui s'était cru ministre, prétexta une attaque <strong>de</strong> goutte, etpendant plusieurs jours ne sortit point <strong>de</strong> sa forteresse. <strong>La</strong> bourgeoisie et par suite lepetit peuple conclurent, <strong>de</strong> ce qui se passait, qu'il était clair que le prince avait résolu<strong>de</strong> donner l'archevêché <strong>de</strong> <strong>Parme</strong> à Monsignore <strong>de</strong>l Dongo. Les fins politiques <strong>de</strong> caféallèrent même jusqu'à prétendre qu'on avait engagé le père <strong>La</strong>ndriani, l'archevêqueactuel, à feindre une maladie et à présenter sa démission; on lui accor<strong>de</strong>rait unegrosse pension sur la ferme du tabac, ils en étaient sûrs: ce bruit vint jusqu'àl'archevêque qui s'en alarma fort, et pendant quelques jours son zèle pour notre hérosen fut gran<strong>de</strong>ment paralysé. Deux mois après, cette belle nouvelle se trouvait dans lesjournaux <strong>de</strong> Paris, avec ce petit changement, que c'était le <strong>com</strong>te <strong>de</strong> Mosca, neveu <strong>de</strong>la duchesse <strong>de</strong> Sanseverina, qui allait être fait archevêque.<strong>La</strong> marquise Raversi était furibon<strong>de</strong> dans son château <strong>de</strong> Velleja; ce n'était point unefemmelette, <strong>de</strong> celles qui croient se venger en lançant <strong>de</strong>s propos outrageants contreleurs ennemis. Dès le len<strong>de</strong>main <strong>de</strong> sa disgrâce, le chevalier Riscara et trois autres <strong>de</strong>ses amis se présentèrent au prince par son ordre, et lui <strong>de</strong>mandèrent la permissiond'aller la voir à son château. L'Altesse reçut ces messieurs avec une grâce parfaite, etleur arrivée à Velleja fut une gran<strong>de</strong> consolation pour la marquise. Avant la fin <strong>de</strong> lasecon<strong>de</strong> semaine, elle avait trente personnes dans son château, tous ceux que leministère libéral <strong>de</strong>vait porter aux places. Chaque soir la marquise tenait un conseilrégulier avec les mieux informés <strong>de</strong> ses amis. Un jour qu'elle avait reçu beaucoup <strong>de</strong>lettres <strong>de</strong> <strong>Parme</strong> et <strong>de</strong> Bologne, elle se retira <strong>de</strong> bonne heure: la femme <strong>de</strong> chambrefavorite introduisit d'abord l'amant régnant, le <strong>com</strong>te Baldi, jeune homme d'uneadmirable figure et fort insignifiant; et plus tard, le chevalier Riscara sonprédécesseur: celui-ci était un petit homme noir au physique et au moral, qui, ayant147

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