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La Chartreuse de Parme STENDHAL - livrefrance.com

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Mais le prince était obstiné <strong>com</strong>me les êtres pusillanimes; d'ailleurs son orgueild'homme et <strong>de</strong> souverain était irrité du refus <strong>de</strong> sa main; il pensait à toutes lesdifficultés qu'il eût eues à surmonter pour faire accepter ce mariage, et que pourtant ils'était résolu à vaincre.Durant trois heures on se répéta <strong>de</strong> part et d'autre les mêmes arguments, souventmêlés <strong>de</strong> mots fort vifs. Le prince s'écria:- Vous voulez donc me faire croire, madame, que vous manquez d'honneur? Si j'eussehésité aussi longtemps le jour où le général Fabio Conti donnait du poison à Fabrice,vous seriez occupée aujourd'hui à lui élever un tombeau dans une <strong>de</strong>s églises <strong>de</strong><strong>Parme</strong>.- Non pas à <strong>Parme</strong>, certes, dans ce pays d'empoisonneurs.- Eh bien! partez, madame la duchesse, reprit le prince avec colère, et vousemporterez mon mépris.Comme il s'en allait, la duchesse lui dit à voix basse:- Eh bien! présentez-vous ici à dix heures du soir, dans le plus strict incognito, et vousferez un marché <strong>de</strong> dupe. Vous m'aurez vue pour la <strong>de</strong>rnière fois, et j'eusse consacréma vie à vous rendre aussi heureux qu'un prince absolu peut l'être dans ce siècle <strong>de</strong>jacobins. Et songez à ce que sera votre cour quand je n y serai plus pour la tirer parforce <strong>de</strong> sa platitu<strong>de</strong> et <strong>de</strong> sa méchanceté naturelles.- De votre côté, vous refusez la couronne <strong>de</strong> <strong>Parme</strong>, et mieux que la couronne, carvous n'eussiez point été une princesse vulgaire, épousée par politique, et qu'on n'aimepoint; mon coeur est tout à vous, et vous vous fussiez vue à jamais la maîtresseabsolue <strong>de</strong> mes actions <strong>com</strong>me <strong>de</strong> mon gouvernement.- Oui, mais la princesse votre mère eût eu le droit <strong>de</strong> me mépriser <strong>com</strong>me une vileintrigante.- Eh bien! j'eusse exilé la princesse avec une pension.Il y eut encore trois quarts d'heure <strong>de</strong> répliques incisives. Le prince, qui avait l'âmedélicate, ne pouvait se résoudre ni à user <strong>de</strong> son droit, ni à laisser partir la duchesse.On lui avait dit qu'après le premier moment obtenu, n'importe <strong>com</strong>ment, les femmesreviennent.Chassé par la duchesse indignée, il osa reparaître tout tremblant et fort malheureux àdix heures moins trois minutes. À dix heures et <strong>de</strong>mie, la duchesse montait en voitureet partait pour Bologne. Elle écrivit au <strong>com</strong>te dès qu'elle fut hors <strong>de</strong>s états du prince:" Le sacrifice est fait. Ne me <strong>de</strong>man<strong>de</strong>z pas d'être gaie pendant un mois. Je ne verraiplus Fabrice; je vous attends à Bologne, et quand vous voudrez je serai la <strong>com</strong>tesseMosca. Je ne vous <strong>de</strong>man<strong>de</strong> qu'une chose, ne me forcez jamais à reparaître dans lepays que je quitte, et songez toujours qu'au lieu <strong>de</strong> 150 000 livres <strong>de</strong> rentes, vousallez en avoir 30 ou 40 tout au plus. Tous les sots vous regardaient bouche béante, etvous ne serez plus considéré qu'autant que vous voudrez bien vous abaisser à<strong>com</strong>prendre toutes leurs petites idées. Tu l'as voulu, Georges Dandin! "277

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