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La Chartreuse de Parme STENDHAL - livrefrance.com

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l'agrément <strong>de</strong> leurs perpétuels tête-à-tête par ce détail: <strong>La</strong> marquise et ses fillesvinrent les voir <strong>de</strong>ux fois, et la présence <strong>de</strong> ces étrangères leur fit plaisir; car, malgréles liens du sang, on peut appeler étrangère une personne qui ne sait rien <strong>de</strong> nosintérêts les plus chers, et que l'on ne voit qu'une fois par an.<strong>La</strong> duchesse se trouvait un soir à Locarno, chez Fabrice, avec la marquise et ses <strong>de</strong>uxfilles. L'archiprêtre du pays et le curé étaient venus présenter leurs respects à cesdames: l'archiprêtre, qui était intéressé dans une maison <strong>de</strong> <strong>com</strong>merce, et se tenaitfort au courant <strong>de</strong>s nouvelles, s'avisa <strong>de</strong> dire:- Le prince <strong>de</strong> <strong>Parme</strong> est mort!<strong>La</strong> duchesse pâlit extrêmement; elle eut à peine le courage <strong>de</strong> dire:- Donne-t-on <strong>de</strong>s détails?- Non, répondit l'archiprêtre; la nouvelle se borne à dire la mort, qui est certaine.<strong>La</strong> duchesse regarda Fabrice. J'ai fait cela pour lui, se dit-elle; j'aurais fait mille foispis, et le voilà qui est là <strong>de</strong>vant moi indifférent et songeant à une autre! Il était au<strong>de</strong>ssus<strong>de</strong>s forces <strong>de</strong> la duchesse <strong>de</strong> supporter cette affreuse pensée; elle tomba dansun profond évanouissement. Tout le mon<strong>de</strong> s'empressa pour la secourir; mais, enrevenant à elle, elle remarqua que Fabrice se donnait moins <strong>de</strong> mouvement quel'archiprêtre et le curé; il rêvait <strong>com</strong>me à l'ordinaire.- Il pense à retourner à <strong>Parme</strong>, se dit la duchesse, et peut-être à rompre le mariage<strong>de</strong> Clélia avec le marquis; mais je saurai l'empêcher. Puis, se souvenant <strong>de</strong> laprésence <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux prêtres, elle se hâta d'ajouter:- C'était un grand prince, et qui a été bien calomnié! C'est une perte immense pournous!Les <strong>de</strong>ux prêtres prirent congé, et la duchesse, pour être seule, annonça qu'elle allaitse mettre au lit.- Sans doute, se disait-elle, la pru<strong>de</strong>nce m'ordonne d'attendre un mois ou <strong>de</strong>ux avant<strong>de</strong> retourner à <strong>Parme</strong>; mais je sens que je n'aurai jamais cette patience; je souffretrop ici. Cette rêverie continuelle, ce silence <strong>de</strong> Fabrice, sont pour mon coeur unspectacle intolérable. Qui me l'eût dit que je m'ennuierais en me promenant sur ce laccharmant, en tête à tête avec lui, et au moment où j'ai fait pour le venger plus que jene puis lui dire! Après un tel spectacle, la mort n'est rien. C'est maintenant que je paieles transports <strong>de</strong> bonheur et <strong>de</strong> joie enfantine que je trouvais dans mon palais à<strong>Parme</strong> lorsque j'y reçus Fabrice revenant <strong>de</strong> Naples. Si j'eusse dit un mot, tout étaitfini, et peut-être que, lié avec moi, il n'eût pas songé à cette petite Clélia; mais ce motme faisait une répugnance horrible. Maintenant elle l'emporte sur moi. Quoi <strong>de</strong> plussimple? elle a vingt ans; et moi, changée par les soucis, mala<strong>de</strong>, j'ai le double <strong>de</strong> sonâge! .. . Il faut mourir, il faut finir! Une femme <strong>de</strong> quarante ans n'est plus quelquechose que pour les hommes qui l'ont aimée dans sa jeunesse! Maintenant je netrouverai plus que <strong>de</strong>s jouissances <strong>de</strong> vanité; et cela vaut-il la peine <strong>de</strong> vivre? Raison<strong>de</strong> plus pour aller à <strong>Parme</strong>, et pour m'amuser. Si les choses tournaient d'une certainefaçon, on m'ôterait la vie. Eh bien! où est le mal? Je ferai une mort magnifique, et,avant que <strong>de</strong> finir, mais seulement alors, je dirai à Fabrice: Ingrat! c'est pour toi!...Oui, je ne puis trouver d'occupation pour ce peu <strong>de</strong> vie qui me reste qu'à <strong>Parme</strong>; j'yferai la gran<strong>de</strong> dame. Quel bonheur si je pouvais être sensible maintenant à toutes ces235

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